Nom d’une rue !

Julie Guinand

Mais par qui et comment sont décidés les noms de nos parcs et avenues ? Voici la première partie de notre dossier sur la toponymie.  

Des lundis bleus aux beaux dimanches, nous passons chaque jour dans des rues qui sonnent comme des ritournelles. Le besoin d’organiser et nommer l’espace est aussi vieux que les premiers villages. Nos plaques bleues, qu’elles servent à nous repérer dans l’espace (comme la rue du Nord), qu’elles célèbrent une personnalité locale (comme l’avenue Léopold-Robert), ou qu’elles soulignent une tradition du cru (comme l’allée des Paysans-Horlogers), renferment l’histoire de notre ville. Une histoire plurielle et mouvante.

Savez-vous, par exemple, qu’il existait à La Chaux-de-Fonds une rue de la Grognerie jusqu’en 1875 ? Ce nom, dû à la porcherie érigée au début de l’artère n’était plus assez moderne et séduisant pour les autorités qui la rebaptisèrent… rue du Succès !

Mais comment fait-on pour nommer une rue ? Nous faisons le tour de la question avec Sylvie Pipoz, déléguée à la valorisation du patrimoine.

 

Qui choisit le nom de nos rues ?

Depuis 1986, il existe une commission de toponymie de la Ville. Elle regroupe une dizaine de membres, spécialistes d’Histoire, de linguistique, d’urbanisme ou du patrimoine et est présidée par un membre du Conseil communal (actuellement Théo Huguenin-Elie). La commission siège 3 à 4 fois par année. Ses propositions sont ensuite soumises au Conseil communal qui décide, ou non, de les adopter.

 

Est-ce que les habitant.e.s peuvent aussi faire des propositions ?

Oui ! Tout le monde peut proposer des noms en nous envoyant une suggestion par e-mail. Elles sont  ensuite discutées en séance. 

 

Faut-il être mort.e pour qu’une rue porte son nom ?

Oui ! Et idéalement il faut que l’endroit ait un lien avec la personnalité. 

 

Peut-on changer le nom d’une rue ?

C’est possible mais assez rare car cela reste très compliqué administrativement. Il faut changer l’adresse de toutes les personnes qui y résident. 

 

Combien de rues sont nommées par année ?

Environ une ou deux. La dernière en date étant le Replat du Dahu, devant le Bois du Petit-Château, en 2021. 

 

(Fin de la première partie).

 

 

Kikajon, Meuqueux, Modulor et Bougillons !

Vous les avez sans doute croisés, mais savez-vous ce que sont :

Un kikajon ? Ce pavillon de jardin se retrouve notamment sur les hauteurs nord de la ville où s’étend le chemin du même nom.

Le Modulor ? Invention de Le Corbusier, le Modulor est une silhouette humaine standardisée, utilisée par l’architecte comme point de repère dans la conception de ses intérieurs.

Les Bougillons ? Terme régional qui désigne des enfants qui ne tiennent pas en place. Un passage de circonstance près du Collège des Foulets !

Les Meuqueux ? Eh oui, c’est le nom que l’on nous donne, à nous, les habitant-e-s de La Chaux-de-Fonds !

Et comment ne pas profiter de mentionner le très poétique Passage des Lundis-Bleus ou le très discret Passage Secret ?

 

 

Une comtesse parmi les recalé-e-s

Parmi les personnalités qui n’ont pas retenu l’attention de la commission, on compte la cantatrice Elise Hensler (1836-1929). Après avoir passé les douze premières années de sa vie à La Chaux-de-Fonds, Elise Hensler étudie à Boston puis à Paris. A vingt-quatre ans, elle tape dans l’œil de l’ancien roi du Portugal Ferdinand II alors qu’elle chante avec la troupe de l’Opéra de Laneuville à Lisbonne. Elle épouse ce dernier et passe le reste de sa vie au Portugal où elle développe ses talents pour la sculpture, la céramique, la botanique, la peinture et l’architecture.

Elle réalise notamment les plans d’un chalet, et les décors intérieurs, que l’on peut admirer aujourd’hui encore à Sintra, l’un des sites les plus visités du Portugal. La comtesse chaux-de-fonnière compte même un groupe sur facebook : « Elise Friederike Hensler, Condessa de Edla ».

L’Impartial du 23 février 2004 titrait une pleine page sur « Elise , qui aurait pu être reine ».

La NZZ en mai 2015 consacrait un gros article à Elise Hensler, « oubliée en Suisse, mais devenue attraction touristique au Portugal ».

Le chalet de la comtesse Elise, qu’elle a elle-même dessiné, en orchestrant les somptueux décors intérieurs. (Photo : Parc de Sintra)

 

Théo Huguenin-E. explique les choix

« Concernant Elise Hensler, si l’histoire est belle, le lien entre la comtesse et notre ville reste ténu. La commission, qui souhaite donner plus de visibilité à des femmes marquantes dans l’espace public, a en tête des personnalités comme les artistes Jeanne Perrochet ou Marie-Louise Goering qui ont davantage fait vivre La Chaux-de-Fonds »

Et Laurent Bourgnon ? « Dans le cas de décès récents, la commission souhaite attendre et prendre un peu de recul. Elle veut éviter un coup politique ou marketing et inscrire ses noms dans la durée », note le conseiller communal qui préside la commission de toponymie.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Souhaiteriez-vous déambuler sur la place de la comtesse ? Quelle personnalité du cru graveriez-vous sur les plaques de La Tchaux ?

 

 

Une plaque et c’est tout pour Laurent Bourgnon

Plus récemment, le nom du célèbre navigateur Laurent Bourgnon (1966-2015) a été proposé pour nommer le couvert est de la nouvelle place de la Gare. Le double vainqueur de la Route du Rhum a été recalé lui aussi. Avec son frère Yvan, il a toutefois eu droit à une plaque apposée en 2018 sur l’immeuble où ils ont habité enfants, rue Daniel-Jeanrichard 22. Présent lors de la pose de la plaque, Yvan Bourgnon avait été ému aux larmes. La commission de toponymie, elle, n’a pas changé de position. « Je n’ai jamais compris son veto surtout en regard de la notoriété de cette figure emblématique de notre ville », note Alexandre Houlmann alors chef du Service des sports, qui avait suggéré le nom des Bourgnon. « Cette équipe est, me semble-t-il, parfois un peu à côté de la plaque », sourit-t-il.

Le couvert de la place de la Gare reste, lui, depuis sommairement appelé couvert polyvalent… (gs)

Yvan Bourgnon le jour de la pose de la plaque commémorative pour son frère et lui. Vous pouvez la voir rue Daniel-Jeanrichard 22. (Photo : CdF – GS)

Aimeriez-vous une place de la comtesse Elise ?

Et vous, si vous deviez nommer une rue chaux-de-fonnière, que choisiriez-vous ? Souhaiteriez-vous déambuler sur la place de la comtesse Elise ? Laurent Bourgnon, le Petit Prince des mers mériterait-il son couvert ?

Ecrivez-nous vos idées !

Aimeriez-vous une place de la comtesse Elise ?

Et vous, si vous deviez nommer une rue chaux-de-fonnière, que choisiriez-vous ? Souhaiteriez-vous déambuler sur la place de la comtesse Elise ? Laurent Bourgnon, le Petit Prince des mers mériterait-il son couvert ?

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