Comme un goût de Carambar

Julie Guinand
Écrivaine

 

Après douze ans d’absence, je reviens m’installer dans ma ville natale !

 

A première vue, c’est comme si rien n’avait changé… Je peux aller acheter une livre de pain noir dans la boulangerie de mon enfance ou boire des Picon bières au Coyote. Si je le souhaite, je peux m’asseoir sur l’une des balançoires de la place des Lilas et piocher dans un paquet de Carambar. Les couloirs du collège de la Charrière, où j’ai passé cinq ans de ma vie, ont toujours la même odeur de Javel et je peux y saluer l’enseignante qui a fait germer mon amour de la littérature en nous lisant Anne et la maison aux pignons verts. Sur le chemin du retour, la patrouilleuse scolaire, dont le sourire fait intemporellement évaporer les cumulonimbus les plus touffus, me reconnaîtra sans doute !

 

Pourtant, La Chaux-de-Fonds, quoique tranquillement, mue. Des enseignes disparaissent, d’autres éclosent. Certes, l’incroyable librairie Dam’Oiseau, où j’ai plus d’une fois cassé ma tirelire, a fermé depuis belle lurette et un de mes tags préférés : « Que les riches paient la crise ! » vient d’être dynamité. Mais la ville a vu l’apparition de brasseries, de magasins en vrac, de centres d’art et d’un shop de bubble tea. Il paraît même que, bientôt, il sera possible de boire un sirop en disputant une partie de Attack ! dans un tout nouveau bar à jeux. J’ai hâte !

 

Il m’aura fallu fouler les rues de Neuchâtel, Paris, Lausanne, Cambridge, Montréal et La Brévine  pour mieux retrouver les trottoirs abîmés de ma ville natale. Il m’aura fallu douze ans, plusieurs  coupes de cheveux, des voyages à l’autre bout du monde, une montagne de bouquins dévorés, des milliers de lignes griffonnées, un éveil politique et militant avant de redécouvrir La Chaux-de-Fonds avec ce qu’elle a d’exotique, d’irritant, de rassurant, de vivant.

 

Alors, je me demande… A quoi ressemblera ma Chaux-de-Fonds dans douze ans ? Bayerai-je aux corneilles sur un Pod (enfin) piéton ? Découvrirai-je des plats aux saveurs inconnues ? M’émerveillerai-je devant des initiatives citoyennes toujours renouvelées ? Verrai-je l’amélioration des conditions de vie des plus précaires ? Grimperai-je dans un bus gratuit ? Pousserai-je la porte d’un café tenu par des hologrammes ? Et pourrai-je toujours acheter une livre de pain noir dans la boulangerie de mon enfance ?

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