Evgenia

Thomas Sandoz
Écrivain

Je n’ai pas de nouvelles d’Evgenia. Nous avions fait connaissance à Odessa en automne 2019 à l’occasion d’un festival littéraire international. Elle avait traduit quelques pages de mon dernier roman et conduisit la rencontre avec le public, laquelle se révéla épique.

 

Volubile et généreuse, passant abruptement du français à l’ukrainien, Evgenia résuma mon parcours en des termes si surprenants que je crus un instant qu’elle me confondait avec un autre invité. Cherchant mon assentiment à grands hochements de tête, elle poursuivit une présentation fort engagée d’une histoire qui ressemblait vaguement à celle que j’avais écrite.

 

L’assistance était constituée pour deux tiers de mystérieuses quinquagénaires emmitouflées qui allaient et venaient avec de bruyants sacs en plastique. La responsable de l’organisation passa quant à elle l’entier de la séance à allumer et éteindre des lampadaires peu accordés au salon désuet où nous avions pris place. Au cours de l’entretien, une tragédienne lut plusieurs extraits traduits pour l’occasion, mais impossible pour moi de les situer dans le texte d’origine.

 

Evgenia tenait la clef de ce joyeux bazar. Elle avait pris très au sérieux son rôle de passeuse culturelle et ses propos librement inspirés de mon roman reflétaient avant tout sa conviction que la littérature est un ciment social. Une banalité ici, une urgence là-bas.

 

Par la suite, Evgenia a traduit l’entier de mon livre. Elle a été honorée pour ce travail d’un Prix de l’ambassade de France. Nous avions de nouveaux projets en vue pour le monde d’après qui est devenu celui d’avant. Je n’ai plus de nouvelles d’Evgenia.

 

 

Dernier roman paru : La balade des perdus, 2018, Grasset
(Luc und das Glück, 2020, die brotsuppe ; Прогулянка пропащих, 2021, Anetta Antonenko Publishers)
www.ccdille.ch

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