Gilbert Huguenin : 400 expositions en 66 ans dans la galerie Numaga. Rencontre.
« Agnostique, anarchique… mais de gauche, provocateur, né dans la rue » : Gilbert Huguenin se décrit en ces termes. L’octogénaire chaux-de-fonnier vient de vernir une nouvelle exposition. Il a accueilli Le Ô dans sa galerie Numaga, elle septuagénaire !
« Pourquoi Numaga ? Ma première galerie se situait au croisement des rues Numa-Droz et Agassiz. Ce n’est pas un hommage à ces deux personnages… surtout avec le passé controversé d’Agassiz. Et ça sonne ethnographique, un domaine qui me passionne. » Au point de lui consacrer une exposition permanente.
Créée en 1956, la galerie est descendue en 1962 à Auvernier. « Mes clients venaient surtout des grandes villes alémaniques. À l’époque, les faire monter dans le Haut était plus compliqué. J’ai alors inauguré la Pinte La Golée et j’y ait fait une galerie à côté. Je vous ai dit que j’étais provocateur ? J’ai ouvert un 1er mai juste pour emm… le monde. »
Animé par une volonté de partage transcendant les classes sociales, Gilbert Huguenin a fait de La Golée un haut-lieu d’échanges des Neuchâtelois-e-es. « Ouvriers, intellectuels, bourgeois… Tous venaient. Et on y jouait beaucoup de musique. » La réputation de la galerie s’étend au-delà des frontières du pays.
Depuis 2002, Numaga, troisième du nom, est installée à Colombier, dans les anciens locaux de l’imprimerie Gessler. « Tout un symbole de faire une galerie dans une imprimerie ! »
Chanteur, graphiste, galériste
En soixante-six ans, ce découvreur de talents a exposé plus de 1000 artistes des cinq continents, dont beaucoup rencontrés lors de ses voyages. « C’est du moins comme ça que je légitimais mon besoin d’évasion ! » sourit-il. « Pour apprécier l’art il faut une certaine sensibilité qu’on acquiert à force d’être exposé à différentes cultures. Voir pour ensuite percevoir. Sans être missionnaire, chacune de mes trois galeries s’est inscrite dans ce but-là : redonner aux gens la culture qu’ils ont perdue, abrutis par les médias et le fric. Mais pas besoin d’être un expert ou même initié pour découvrir mes expositions ; et l’entrée est gratuite. »
Et dire que c’est d’abord comme chanteur que Gilbert Huguenin voulait faire carrière. « J’avais une belle voix ! » se souvient-il. Finalement, il deviendra graphiste à l’école d’art de La Chaux-de-Fonds. « J’ai dessiné des cadrans pour des marques comme Ebel. Mais j’ai toujours baigné dans l’art – ma tante tenait une galerie en Italie – c’est peut-être ce qui m’a donné l’envie de me lancer. » Il sera rejoint à la galerie en 1986 par sa femme Nicole Gonet.
Une mise sur orbite qui n’en finit plus : à bientôt 90 ans, Gilbert Huguenin vient de vernir l’exposition des œuvres du jurassien Jean-René Moeschler !