Jean-Claude Schwarz publie un essai passionnant sur l’émergence d’une forme d’égocratie, favorisée par la toute-puissance des réseaux sociaux et une société devenue intolérante, bousculée par les radicalités et les postures extrêmes. Rencontre avec l’auteur avant sa séance de dédicace à la librairie Payot, La Chaux-de-Fonds, samedi 21 mai 2022, de 16 h 00 à 17 h 30.
Figure du monde horloger et personnalité de La Chaux-de-Fonds, Jean-Claude Schwarz a dirigé l’entité suisse du groupe Festina pendant plus de vingt ans. Architecte et urbaniste de formation, passionné d’art et de littérature, il s’est aussi affirmé comme un sculpteur et un écrivain talentueux. L’auteur signe ici un essai personnel sur les dérives de notre temps et la crise profonde de nos démocraties menacées par la tyrannie des minorités. De la toute-puissance des réseaux sociaux en passant par le pouvoir de l’argent, les théories du complot, la mouvance américaine QAnon et la laïcité en grand danger, Jean-Claude Schwarz dresse un réquisitoire sans concession des tumultes de notre temps.
Une époque d’égoïsme et d’intolérance
Au carrefour de la sociologie et de la philosophie, l’idée de cet essai personnel est née durant le confinement et la crise du Covid-19. « Une révolte est née en moi à cette période marquée par les fake news, un égoïsme exacerbé et une absence totale de solidarité envers les personnes fragiles et les ainées », explique Jean-Claude Schwarz. L’ouvrage interpelle, invite au questionnement et pose un constat sans appel. « Nous vivons une époque traversée par les radicalités et une incapacité toujours plus marquée à dialoguer et à respecter l’argumentation de l’autre. L’absence d’ouverture et de tolérance, parfois même dans le cercle familial, alors que les défis gigantesques auxquels nous sommes confrontés devraient nous inciter à la modération et à la recherche de solutions communes. »
Le rejet et la stigmatisation du genre
De la période insouciante des Trente glorieuses à nos jours, l’auteur s’interroge sur l’évolution de notre société et notre rapport au monde. « Des élus menacés de morts, le président Macron dont on théâtralise la décapitation dans une arène du sud de la France sont des exemples profondément choquants », s’insurge l’auteur. « Je comprends le mouvement des gilets jaunes, je comprends les revendications du féminisme, parfaitement légitimes. Mais le caractère véhément, intolérant et clivant de certains de ses acteurs et de leur revendication m’est insupportable. Le rejet et la stigmatisation de l’autre. La violence physique et verbale, les menaces. La création de toilettes dégenrées dans les écoles publiques, le wokisme, et plus récemment l’autorisation du port du burkini dans les piscines de Grenoble illustrent l’expression d’une tyrannie des minorités. »
Les réseaux sociaux, un danger permanent
Autre dysfonctionnement relevé dans cet essai met en lumière l’influence toxique des réseaux sociaux sur les consciences et le champ politique. Jean-Claude Schwarz cite en exemple le Brésil de Jair Bolsonaro et sa victoire en 2018, orchestrée autour de campagnes mensongères, véhiculées par des vidéos sur WhatsApp. « Aidé de ses trois fils, il a secrètement inondé le pays, via les réseaux sociaux, de fausses informations discréditant le socialiste Fernando Haddad, affirmant qu’en cas de victoire, chaque enfant deviendrait propriété de l’État. Il est allé jusqu’à exhiber à la télévision un biberon pourvu d’un pénis en érection en guise de tétine, en osant prétendre que son rival était en train de le produire», relate l’auteur. Essai à valeur de document, la Tyrannie des minorités a le grand mérite d’apporter un éclairage pertinent et richement documenté sur l’accélération exponentielle d’un monde devenu incontrôlable, mettant durement à l’épreuve nos démocraties avec le risque de compromettre notre vivre ensemble.