Nuit blanche

Hubert Jeanneret
Dernière parution : Les Sentiers de la solitude, Editions Alphil, 2011

C’était un moment unique, une heure où la rue abandonnée revenait à elle-même, où les pierres parlaient du fond des siècles dans une parenthèse enchantée, loin du tourbillon humain. Je m’étais fait une petite tradition de sortir de chez moi à cette heure-là, chaque veillée de l’An, une promenade nocturne quand tout le monde se réjouissait en famille, entre amis, hors du dehors. Un dehors qui m’appartenait jalousement !

Il neigeait à gros flocons sur la Grande-Rue et un vent de tempête s’était levé à la tombée de la nuit. A travers les fenêtres, scintillaient des lumières chaudes et se dessinaient des silhouettes humaines virevoltantes et joyeuses. L’écho de leurs rires se faisait entendre au dehors comme un murmure lointain.

Je remontai la Grande-Rue et parvint à la fontaine de la Révolution. Les bourrasques chassaient la neige accumulée sur les toits et rendaient la vision incertaine. Je devinais à peine l’inscription florale sur la façade de l’hôtel devant moi. Mes pas indolents traînaient sur le sol pour former de petits monticules blancs. J’étais l’enfant qui sommeille en chaque adulte ; j’étais animé d’une joie simple consommée dans le présent.

Passé le Vieux Cellier, une lueur attira mon regard. Ça venait de l’angle de la maison, sur ma gauche. On aurait dit le scintillement d’une allumette. Je m’approchai. La lueur vacilla un instant puis disparut dans la nuit. Je n’avais pas eu le temps de bien voir.

Une nouvelle allumette scintilla. Elle était là, assise dans une encoignure à l’abri des rafales et un sourire incompréhensible animait son visage de petite fille. Elle était là où son père avait vécu il y a très longtemps, seule avec ses allumettes et ses rêves d’enfant.


Ce Porte-plume est signé d’un auteur loclois que nous sommes heureux d’accueillir dans ces colonnes. Cette présence est un prélude à notre édition du 1er juillet prochain qui sera distribuée en tout ménages aussi au Locle et aux Brenets. Avec une autre plume de la région à (re)découvrir. Rendez-vous est pris ! (Le Ô)

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