La revanche des exclus

Bernadette Richard
Écrivaine

Avec les congés payés, les pauvres diables s’étaient mis à rêver et à tirer des plans sur la comète : voyons voir… Tessin ? Costa Blanca ? Rimini ? Yougoslavie ? Tout était possible. Les prolos se payaient des petites autos à trois vitesses, et hop, départ pour le soleil. Juillet et août renvoyaient dans son garage, pour quelques semaines, le rouleau compresseur du quotidien. On rentrait bronzé, avec les incontournables dias pour animer les soirées famille durant l’hiver.

Les années filant vite et le consumérisme s’accentuant, on en voulut toujours plus, plus loin, plus cher, plus exotique.
Et finalement patatras… Le petit monde des exclus commença à s’étoffer. Bien sûr, les working poor avaient toujours existé, même dans notre carte postale à croix blanche – certes, ici on les cache. Il n’empêche, les exclus furent de plus en plus nombreux à renoncer aux voyages de l’été. On pouvait toujours rêver de sable chaud, le rêve, ça bouffe pas de foin !
C’est alors qu’on assista à la grande mutation des vacances : routes bouchonnées sur des centaines de kilomètres, trains et aéroports pris d’assaut, bagages égarés, mauvaise humeur, plages où étaler son linge de bain devenait mission impossible.

Pendant ce temps-là, restés en rade, les exclus commencèrent à se frotter les mains. Grâce au changement climatique, le sud avait rejoint le nord. Le stress ayant mis les voiles avec les braves quidams ravis de mériter les stations balnéaires à coups d’énervements –, les exclus furent bientôt les grands privilégiés de l’été, papotant aux terrasses, sirotant bières et pastis sous des cieux dignes du Sahara.

 

Dernières parutions :
Dernier concert à Pripyat, Ed. L’Age d’Homme, 2020
L’Horizon et après, Ed. Torticolis Frères, 2020.

Bernadette Richard, dans son bureau, rue du Parc 65, un étage en-dessus... 
du Ô ! (photo gs)
Bernadette Richard, dans son bureau, rue du Parc 65, un étage en-dessus... du Ô ! (photo gs)

Découvrez nos autres articles

Ah…l’odeur des vieilles pierres, du patrimoine, de la culture, de l’histoire, de ses célébrités de l’aura desquelles notre cité s’enorgueillit ! « Qui sent le sapin
De ma fenêtre, je regarde les canards qui défilent sur le canal. Ils laissent un sillage qui se dilue dans les herbes immergées de