Instit’, flic et écrivain !

Dunia Miralles

Lucien Vuille raconte une anecdote dont raffolent ses élèves : la première arrestation qu’il a effectuée quand il travaillait pour la Brigade anti criminalité à Genève. Dans le cadre d’une enquête sur un réseau qui escroquait des personnes âgées, il avait arrêté une femme qui s’était rapidement mise à table. Or, quelques mois plus tard, elle faisait le buzz dans la téléréalité avec une expression devenue mythique : « Allô, non, mais allô, quoi ? T’es une fille et t’as pas de shampoing ? » Ce récit figure dans « La Grande Maison », un livre coup de poing où l’enseignant décrit les premières années d’un inspecteur de la police judiciaire dans la cité de Calvin. Il n’a toutefois pas révélé l’identité de cette personne dans le livre : « Citer son nom n’aurait pas de sens, mais mes élèves adorent cette histoire ».

Un témoignage amer suant le vécu. « Tout ce que j’écris je l’ai vu mais, à l’inverse, je n’écris pas tout ce que j’ai vu ».

Enfant de La Brévine, Lucien Vuille a grandi dans une ferme d’un hameau dont le nom ressemble à un oracle : « Le Cachot ». Après avoir arpenté plusieurs années les rues de Genève en tant qu’inspecteur de la BAC ou de la brigade des stups, ainsi qu’à La Chaux-de-Fonds à celle des mœurs, il redevient enseignant au Locle. « Quand mes anciens collègues me paraissent heureux et épanouis, je suis content pour eux, mais je n’échangerais pour rien au monde ma salle de classe et mes élèves pour une plaque de police et un flingue. »

Avant de goûter à La Grande Maison, son interview ci-dessous.

– La Grande Maison, Lucien Vuille, éd. BSN Press

 

« Je ne regrette pas d’avoir été flic ni d’avoir démissionné »

En tant qu’ex-policier, pensez-vous que Le Locle soit une ville épargnée par la criminalité ? crime ? 

Partout où il y a de la détresse, il y a des crimes. La Mère Commune n’est pas épargnée, mais je remarque au quotidien des tas de petits détails qui indiquent qu’il y fait vraiment bon vivre. Des gens qui laissent leurs clefs de voiture sur le contact pendant qu’ils vont à la Migros ou leur natel à côté de leur bière sur une terrasse de café, par exemple. S’ils faisaient pareil à Genève, ça disparaitrait dans la minute.

 

Les lettres à l’UniNE et la HEP à La Chaux-de-Fonds, pour devenir prof spécialisé à Lausanne. Comment êtes-vous entré dans la police ?

Par hasard. J’enseignais dans un quartier difficile et parfois des inspecteurs venaient chercher un élève pour le placer en foyer ou l’arrêter. Quand ils me racontaient leur journée de travail, ça me faisait rêver. Ils s’en sont aperçus et m’ont dit « la police recrute, tente ta chance ».

 

Notre canton et La Chaux-de-Fonds, où vous avez exercé dans la Brigade des Mœurs, sont-ils plus tranquilles que Genève ?

Le type de criminalité est différent, les crimes sont sans doute moins visibles, le deal de rue par exemple. Mais il y a beaucoup de travail pour les policiers neuchâtelois, ils ne sont de loin pas au chômage.

 

Qu’est-ce qui vous plaît dans l’enseignement ?

Au-delà de la transmission de savoir, c’est les échanges avec les jeunes. C’est un job dynamique et épanouissant, si on cherche à progresser et à se renouveler.

 

Quelle attitude adopteriez-vous face à jeune que vous sentez sur la pente de la criminalité ?

Je me dis parfois que si j’avais pu avoir une petite caméra installée dans l’œil quand j’étais inspecteur, j’aurais de quoi réaliser des dizaines de films de prévention. Je tenterais d’activer différents leviers, d’impliquer ses parents, ses proches, discuter… J’ose croire que les mots peuvent fonctionner.

 

Pensez-vous avoir écarté certains de vos élèves de la voie du crime ?

Ce serait très présomptueux. Je fais tout mon possible pour leur transmettre les valeurs qui me tiennent à cœur… et je croise les doigts.

 

Des points communs entre l’enseignement et la police judiciaire ?

Prof et flic, c’est deux métiers humains, dans le sens que l’être humain c’est notre matière première.

 

Pourquoi avoir quitté la police ?

Je trouvais que mon job d’inspecteur péjorait ma vie de famille et mon moral. J’ai sauté sur l’occasion quand on m’a proposé de retrouver une salle de classe. Sans regret, ni d’avoir été flic, ni d’avoir démissionné.

 

Dans quel but avez-vous écrit ce livre ?

Au départ, j’avais surtout envie de mettre sur le papier ce que j’avais vécu pour me soulager de certains événements. Et puis après l’avoir fait lire à des proches, j’ai été convaincu que mon récit pourrait sans doute intéresser quelques lecteurs.

-> La Grande Maison, Lucien Vuille, éd. BSN Press

Bio express

Né en 1983 à La Chaux-de-Fonds, il fera son école secondaire au Locle, puis le Lycée Blaise Cendrars à La Tchaux, avant l’UniNe en lettres et sa formation d’enseignant spécialisé (HEP). De 2010 à 2013, il sera inspecteur à Genève dans plusieurs brigades (criminalité générale, stups…). En 2014, il est inspecteur aux mœurs à La Chaux-de-Fonds. Depuis 2017, il enseigne au Locle, au Collège Jehan-Droz. En 2022, dans son livre La Grande Maison il témoigne du quotidien d’un policier.

Bio express

Né en 1983 à La Chaux-de-Fonds, il fera son école secondaire au Locle, puis le Lycée Blaise Cendrars à La Tchaux, avant l’UniNe en lettres et sa formation d’enseignant spécialisé (HEP). De 2010 à 2013, il sera inspecteur à Genève dans plusieurs brigades (criminalité générale, stups…). En 2014, il est inspecteur aux mœurs à La Chaux-de-Fonds. Depuis 2017, il enseigne au Locle, au Collège Jehan-Droz. En 2022, dans son livre La Grande Maison il témoigne du quotidien d’un policier.

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