L’oreille musicale du foot

Alexandre Caldara
Écrivain

Les joueurs du FC Servette éprouvent le froid sur le terrain de la Charrière mi-septembre à La Chaux-de-Fonds. Un soir de Coupe suisse leurs cœurs grenat ou grenadine saignent des stalactites.

Jadis, un jour de fin du festival de musique contemporaine Les Amplitudes, sous le décor fastueux et impeccable pour les tympans de la Salle de musique,  Jacques Demierre détaillait chaque syllabe du nom de tous ceux qui lui furent d’une certaine aide, considérant chacun à la même hauteur, sans hiérarchie. Dans la même idée, il venait de présenter une pièce de musique où sa main effaçait des notes de Béla Bartók. Un vieil homme chaudement habillé m’avoua sa perplexité devant ses trous dans la partition alors que lui-même laissait des silences entre ses paroles.

Môme, ma maman ne comprenait pas la différence entre la Coupe et le championnat suisse de foot. Alors qu’on prenait le train pour monter à La Tchaux, où elle travaillait, je lui expliquai que la coupe permettait aux équipes plus modestes de briller, de renverser l’ordre établi. Que la coupe distillait la magie du foot de talus.

Pendant un concert de musique contemporaine, certains se demandent si les musiciens s’accordent alors qu’ils recherchent un espace, un son, une fuite. Une amie danseuse aime les échauffements des matchs de foot, ces moments hors compétition où les corps s’allongent, prennent un panneau publicitaire pour une barre classique.

Et si on éprouvait la même chose en écoutant une musique dite compliquée que face à un drible sur une pelouse gelée ? Et si on avait le droit d’aimer en même temps des chants de supporters et des bruits triturés lointains, luxuriants ?

Un ostéopathe musicien me demande l’autre jour de me concentrer sur tous les bruissements autour de nous pour ressentir les mouvements de mon tibia, qu’il ne touche pas. Depuis je ne boîte plus.

Organiquement, le foot et la musique restent une affaire de battements de cœur…

 

Dernières publications : « Ce grand remous en nous », Alexandre Caldara et Karim Karkeni, aux éditions de l’Aire, 2022. « Peseux Paterson », aux éditions d’Autre Part, 2018

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