Cinquième dimension

Jean-Pierre Bregnard

Cette nuit, j’ai fait un rêve. Dans celui-ci, j’avais écrit un dernier ouvrage en désirant qu’il ne soit publié qu’après ma mort. La page de couverture représentait l’image d’une pierre tombale et, sur celle-ci, était gravé :

CI-GÎT UNE HOMME QUI DANSE

Les premières lignes du livre commençaient par : « Je suis mort, et pourtant je vous parle. J’appartiens désormais à la cinquième dimension de l’esprit, j’influence en ce moment même vos neurones. En me lisant, tout ce que vous ferez jusqu’à la fin de vos jours sera décalé. Je ne suis nulle part et pourtant je suis ici, ici, ici… »

Dans les romans ou les œuvres d’art, les personnages que nous rencontrons n’appartiennent pas à notre dimension matérielle. Pourtant, ils peuvent nous parler, nous émouvoir. Ils peuvent même influencer davantage notre monde que des personnes réelles. Et parfois, les exploits de héros ou d’héroïne  légendaires, n’ayant pas existé, auront la capacité de nous pousser à accomplir des prouesses réellement légendaires. Ils pourront nous faire prendre les armes ou nous faire baisser leurs canons. Les personnages de fiction font partie de ce tissu du langage qui peut passer d’un lieu du monde à un autre. 

Il en va malheureusement de même des illusions, des mensonges : la race aryenne, par exemple, était une illusion, mais cette illusion, elle, « existait ». A ce point qu’elle a envoyé des milliers de mineurs chercher du minerai de fer pour fabriquer des armes qui auront servi à tuer des millions de personnes bien réelles elles aussi. Telle apparaît l’étrangeté de la cinquième dimension de la pensée, qui peut faire que ce qui est fiction devienne réalité ou que ce qui n’existe pas se mette à exister. 

 

Dernière publication : Expressions du monde. L’humour des langues face à notre condition (L’’Age d’Homme, 2018). 

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