Le Qatar, un émirat à la conquête du monde

Olivier Kohler*

Organisateur du Mondial, ce tout petit et si jeune pays du Golfe est déjà influent sur la scène internationale.

Né en 1971 dans les couloirs feutrés d’un grand palace genevois, l’Emirat du Qatar, dont la superficie équivaut à celle de la Corse, a connu en deux décennies un essor économique et une montée en puissance spectaculaires sur la scène internationale. « C’est sans doute le pays le plus courtisé au monde », analyse Hasni Abidi, spécialiste du Moyen-Orient et professeur à l’Université de Genève. « Pour son potentiel économique considérable, pour ses ressources gazières colossales et pour sa politique d’investissement dans les pays européens.» Une croissance économique à deux chiffres, un revenu moyen par habitant équivalent à celui du Lichtenstein et un fonds souverain, le Qatar Investment Authority (QIA), doté de 500 milliards de dollars qui a entre autres permis l’acquisition du club du PSG et de sa ribambelle de stars.

La grande messe du football mondial devait constituer le point d’orgue de la politique de « soft power » engagée tout azimut par le Qatar pour redorer une image souvent entachée d’accusations graves : financement du terrorisme international, soutien à l’État islamique dans le conflit syrien et rôle majeur dans les révolutions du Printemps arabe, notamment avec la puissance de frappe médiatique d’Al-Jazeera, le CNN du monde arabe.

Mais cet allié des Etats-Unis, base arrière de Washington durant l’invasion américaine en Irak en 2003, s’est affirmé comme un acteur diplomatique de poids au Moyen-Orient. Le puissant émirat attise aujourd’hui toutes les convoitises, en particulier de la France, dans un contexte où les pays européens cherchent à réduire leur dépendance envers le gaz russe. « Des ambitions dictées par une géographie compliquée, pour un petit pays entouré par deux puissances hostiles, l’Iran et de l’Arabie saoudite, animée par la volonté de diversifier son économie. »

 

L’envers du miracle qatari
Pour s’offrir cette visibilité mondiale, le Qatar n’a pas lésiné sur les moyens. 220 milliards de dollars, dix fois plus que la précédente

édition organisée en 2018 par la Russie. L’organisation de ce mondial a mis en lumière l’envers du miracle qatari : soupçon de corruption massive, violation des droits de l’homme, conditions de travail déplorables pour les bâtisseurs de stades climatisés.

Le Guardian avait lâché une bombe : 6750 travailleurs ont perdu la vie depuis 2010, date de l’attribution du Mondial au Qatar. Les autorités qataries, elles, évoquent un bilan officiel de 37 morts, dont 3 sur les chantiers. Jamais l’organisation d’une Coupe du Monde n’aura été autant critiquée. «Très peu y croyait, mais en dépit des polémiques, le pari est en passe d’être réussi », explique Hasni Abidi. Qui note que le pays a sans doute sous-estimé le volume des critiques, qui l’irrite fort. Son émir Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani dénonce une campagne sans précédent contre son pays. Et déplore :  « Il y a encore des gens qui n’acceptent pas l’idée qu’un pays arabe et musulman puisse organiser un événement comme la Coupe du Monde. »

 

*Olivier Kohler est journaliste à la RTS

Oui, il y a des Neuchâtelois au Qatar ! Notre photo montre Walter Gagg, ancien directeur de la FIFA, heureux de retrouver Murat Yakin lors d’un entrainement de la Nati (photo mise à disposition par wg).
Oui, il y a des Neuchâtelois au Qatar ! Notre photo montre Walter Gagg, ancien directeur de la FIFA, heureux de retrouver Murat Yakin lors d’un entrainement de la Nati (photo mise à disposition par wg).

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