Hiver

Fanny Wobmann

Elle prend du petit-bois dans le panier à côté du poêle, quelques bâtonnets qu’elle dispose dans la cendre froide, elle les appuie les uns contre les autres de manière à ce que l’air puisse circuler en dessous. Elle dépose ensuite deux morceaux d’allume-feu sur le tas, frotte une allumette, l’approche du bois. La flamme se propage délicatement, fragile, elle ne touche plus rien, attend, observe. Lorsqu’elle estime que le feu est suffisamment fort, elle y dépose une bûche, fine pour commencer, augmente le tirage en fermant presque complètement la vitre du poêle, l’oxygène s’engouffre, est aspiré vers le haut, tout s’embrase. Elle ajoute deux bûches plus épaisses, laisse le feu rugir quelques instants, puis ferme la vitre complètement. Tout se calme, les flammes lèchent doucement les rainures du bois qui semble indestructible. 

Dehors, la forêt est silencieuse. Elle écoute le bruit de ses foulées sur le sol mouillé, le rythme de sa respiration. Elle quitte le chemin forestier pour emprunter le sentier, plus étroit, elle se concentre, les pierres sont glissantes. Ses mains se sont réchauffées. 

Elle enjambe une branche cassée qui lui barre la route, une goutte glacée tombe sur sa joue. Elle entend un bruit sur sa gauche, s’arrête, se retourne, imaginant voir un oiseau. Ce sont deux biches, des chevreuils. Aux aguets, elles la regardent. Leur pelage, leurs grands yeux, la finesse de leur museau et de leurs pattes, il y a quelque chose en elles qui dépasse le lieu et l’instant, accrochées à la terre et pourtant évanescentes. 

Elle aimerait que ça soit elles qui bougent, qui s’enfuient, pour ne pas avoir à le faire elle-même. Mais l’immobilité persiste, elle lui donne la place nécessaire.

 

Dernière parution : Nues dans un verre d’eau, Flammarion, 2017.
www.fannywobmann.ch 

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