Chaînon manquant

Claude-François Robert

Vous connaissez le syndrome de l’imposteur ? Le sentiment que sa situation, son poste, ne sont pas mérités. Vivre avec la crainte que j’exerce ma fonction sur la base d’un malentendu … et que cela sera révélé.

Je m’étais réveillé d’un mauvais rêve, en sueur dans mon pyjama. L’angoisse d’être dévoré de l’intérieur, de me désagréger. Je pourrais me regarder dans une glace. Mais, oserais-je sortir de ma chambre, me confronter aux autres ? Eux, ils avaient deviné que le roi est nu.

Le chef de l’enseignement obligatoire m’avait convoqué pour m’annoncer que par « un effet de cascade », mon titre et ma fonction n’étaient plus légitimes. Il manquait la réussite d’un examen de fin d’école primaire. Par « effet de cascade », lycée, bac, université, doctorat et poste actuel, étaient invalidés. C’était kafkaïen, j’avais fait les Gentianes, les Forges, le Bois-Noir et enfin l’Uni. 

« C’est le principe du chaînon manquant » m’asséna le fonctionnaire.

Seule solution : repasser l’épreuve. On m’avait convoqué dans un collège primaire au milieu des mioches. Je transpirais, accord du participe passé, complément d’objet direct, tables de multiplications. Assis sur une chaise ridicule, je tordais mes genoux sous le pupitre d’écolier. J’avais tout oublié. Encrier à sec, ma plume grattait le papier. « C’est l’heure ! », avait hurlé le surveillant.

Un rêve, bien sûr. J’aurais voulu savoir la fin. Avais-je échoué ?

Je ris. Encore quelques semaines et cela n’aura plus d’importance ; aucun chef ne pourra plus me détrôner. 

Sauf si par « effet de cascade », les années de travail soient annulées, reportant d’autant le moment de la retraite.

 

 

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