La prévention contre les dégâts dus au ruissellement n’a pas de prix !
C’est une première « ECAP » à l’attention des propriétaires dont l’objet immobilier est situé en zone inondable. Pour les quelques 18’000 potentielles victimes du ruissellement, il sera possible après acceptation du dossier de recevoir une subvention pour payer tout ou partie des frais d’étude (jusqu’à CHF 10’000.-) et 50% du prix des travaux (au maximum, 2% de la somme assurée).
Jusqu’en 2017, les mesures de prévention se focalisaient sur la lutte préventive des incendies. A la suite des événements du Val-de-Ruz en 2019, de l’orage dévastateur de Cressier et à la grêle qui a durement touché La Chaux de Fonds en 2021, la compagnie cantonale veut inciter les propriétaires à investir dans la prévention contre les éléments naturels. Rencontre avec Elisenda Bardina, ingénieure EPFL, experte en prévention des éléments naturels, responsable de la campagne « Pas dans ma maison ! ».
– Combien paie en moyenne l’ECAP par an pour les dégâts dus au ruissellement ?
– Ça dépend fortement des années mais avec le réchauffement climatique, il faut s’attendre à l’augmentation d’épisodes de fortes intempéries. Au cours des 40 dernières années, l’ECAP a versé 199 millions pour couvrir des événements naturels dont 23% étaient des dégâts d’eau (1,15 million par an). Plus de 50% des sinistres ont été provoqués par l’eau de ruissellement, cœur de notre action préventive.
– Quel a été le coût des dernières catastrophes cantonales pour l’ECAP?
– L’orage du Val-de-Ruz de 2019 aura coûté CHF 13,9 millions ; celui de Cressier 9,6 millions. La grêle de 2021 a engendré des remboursements à hauteur de 45,6 millions, impressionnant puisqu’avant ces événements majeurs, c’est la grêle de 2013 qui détenait le record des remboursements avec 26 millions versés.
– Donc les dégâts provoqués par le ruissellement sont évitables?
– Absolument. De manière préventive, vu que lutter contre les précipitations est impossible il faut canaliser l’eau en la déviant. Dans les agglomérations, l’imperméabilisation extrême est souvent à l’origine des inondations au même titre que le diamètre trop faible des conduites. Aujourd’hui, les urbanistes réfléchissent à rendre nos villes « éponge » de manière à éviter les débordements. Du côté de l’ECAP, notre objectif est similaire en incitant les propriétaires à passer à l’acte volontairement. Au contraire des modifications pour dévier les eaux au niveau cantonal et communal, les actions des propriétaires à rendre leur bâtiment plus résiliant se concrétisent très vite. Encore faut-il que les travaux de déviation et de prévention n’affectent pas les voisins en déplaçant le problème.
– Le réchauffement climatique, mythe ou réalité pour l’Etablissement cantonal ?
– C’est un fait incontesté, le réchauffement provoquera davantage d’événements majeurs de type catastrophe. Nos assurés s’en préoccupent et les spécialistes savent que les épisodes de sécheresse en Europe et Afrique entraînent un dessèchement des sols dans lesquels l’eau ne peut plus s’infiltrer lorsque survient l’orage.
– Les Montagnes neuchâteloises, une région à risque?
– En ville la prévention est davantage complexe et gagne à être planifiée par l’urbaniste communal, en particulier pour Le Locle et La Chaux-de-Fonds qui sont des villes « cuvette ». Par rapport au scénario d’un événement de temps, retour 100 ans en arrière, il faudrait installer des canalisations monstrueuses et impayables. Donc, pour se préparer au pire, les efforts sont mis sur la prévention au niveau de l’objet et sur la préparation des forces d’’intervention, notamment celle des pompiers et des autres contingents appelés en renfort en cas d’événement.
Elisenda Bardina
– Quelle est votre mission à l’ECAP?
– « Depuis plusieurs mois, je mange et je dors campagne » avoue-t-elle. Cette ingénieure du génie rural, experte en prévention des éléments naturels prend sa mission à cœur et est fière d’apporter ses connaissances et son expérience au projet. Engagée depuis 2017 à l’ECAP, elle conceptualise la prévention des risques liés aux éléments naturels. Développer la stratégie et la mettre en œuvre, une tâche globale qu’elle mène à bien avec sa collègue, sous la houlette de sa direction.
– Dépenser des millions alors que l’inondation est imprévisible ?
– Pas du tout, lorsque le risque est cartographié, seule manque la date du sinistre.
– Opération marketing ou véritable action de prévention ?
– 100% prévention. Nos assurés ne s’y sont pas trompés avec de nombreux propriétaires inscrits à nos séances et deux sessions, celle de Colombier et Neuchâtel, déjà complètes.
– Pourquoi ne pas subventionner le 100% des coûts de prévention ?
– L’idée est de responsabiliser les propriétaires en étant partenaires.
– D’autres actions similaires dans les cantons ?
– Chez les romands, Vaud, le Jura et Fribourg investissent dans la prévention. Chez nos amis suisses allemands, ils sont nombreux à investir dans la prévention, notamment Argovie et Lucerne qui connaissaient la problématique de la grêle.
– Un propriétaire n’a-t-il pas meilleur temps d’attendre le sinistre?
– Tout est pesée d’intérêts mais demandez à ceux qui ont subi un traumatisme suite à une inondation. J’incite donc les propriétaires à profiter de notre action en investissement dans la prévention.
– But de la séance d’informations du 24 mai au Club 44?
– Sensibiliser les propriétaires en venant à leur rencontre car, même si notre campagne est diffusée à large échelle, nous voulons être à l’écoute de nos clients et les renseigner. Après 10 jours, quel succès avec un millier de personnes déjà inscrites dans les sept lieux retenus entre le 16 mai et le 14 juin.
– Pour un propriétaire, comment savoir s’il peut bénéficier de la subvention?
– Avant de déposer son dossier, le propriétaire est invité à consulter le règlement qui figure sur notre site.
En savoir davantage : https://pasdansmamaison.ch/