« Gardons nos vieilles autos et la planète se portera mieux »

Giovanni Sammali

Avec « Halte au gaspillage automobile », Lucien Willemin roule à contre-sens, en dénonçant l’idéalisation de la mobilité électrique. Urticant !

Lucien Willemin n’a toujours pas de téléphone portable. Ce qui n’empêche pas Monsieur Chaussure rouge de continuer sa croisade pour qu’ensemble, nous prenions soin de nous, et ménagions la planète et ses ressources. Le conférencier chaux-de-fonnier, déjà sentinelle de l’énergie grise, part en croisade pour mettre en lumière le gaspillage automobile. 

Après « En voiture, Simone », « Fonce, Alfonse ! » et « Tu parles Charles ! », son dernier-né est un plaidoyer étayé et chiffrée qui s’engage à contre-sens sur l’autoroute des idées reçues et des clichés véhiculés par notre société de surconsommation. Laquelle nous encourage à troquer nos voitures à moteur thermique contre des hybrides électriques dernier cri. « Or, c’est un leurre de penser que la technologie va nous sortir d’affaire, quand en réalité elle nous invite au gaspillage. Le seul salut réside dans le plus de moins », lance l’influenceur. 

Son condensé de poil à gratter démonte sur 87 pages le marketing des constructeurs, soutenu par les pouvoirs politiques, en matière de voitures et d’écologie. De quelque bord que l’on soit, chaque lecteur-ice sera désarçonné-e par ces considérations qui court-circuitent la stratégie du « continuons de foncer dans le mur, car en électrique, c’est propre ».

« Mon but est d’inscrire le gaspillage automobile dans les programmes politiques, pas de combattre les voitures électriques, prévient Lucien Willemin. J’aimerais qu’au moment de penser à changer de voiture, un-e lecteurice se demande : « Ne suis-je pas sur le point gaspiller une voiture et d’aggraver la situation planétaire ? »

Envie de tester la recette ? Voici trois têtes-à-queues que l’auteur fait subir à des propos d’allure irréfutable. En notant que rien que sur Autoscout.ch, cette semaine, plus de 152’000 voitures d’occasion cherchaient preneurs et que 70’000 partent à la casse chaque an en Suisse…

Qualité de l’air. Promouvoir les autos électriques et restreindre chez nous, voire interdire, la circulation des voitures les plus polluantes, c’est bon pour l’air. « Celui d’ici, oui ! Mais pas celui des pays où on produit ces véhicules ni ceux où l’on exporte chaque an 150’000 de nos vieilles bagnoles ! Un air pur pour nos enfants, soit. Et ceux d’ailleurs ? », interpelle Lucien Willemin.

Recyclage. Une voiture peut se recycler à 95% dit-on, pour encourager l’achat du neuf. « Oui, mais cela correspond à 95% du poids du véhicule, pas des 180’000 composants qui le composent ! Démolir trop tôt n’est pas écolo. Et recycler engendre aussi des pollutions », assène l’auteur, qui n’en reste pas moins chantre de l’utilisation « jusqu’au bout » des objets. 

Économie. Le parc des voitures d’occasion pèse sur les garagistes locaux. Ils sont plus de 200 à avoir apporté leur soutien à l’interpellation fédérale demandant que soit quantifié le nombre de ces autos et qu’elles soient valorisées, avant de favoriser les ventes d’autos neuves qui profitent en premier lieu aux grandes marques internationales, « et péjorent le climat, la biodiversité et le vivant. Acheter d’occasion, c’est prendre soin de nous », martèle l’auteur.

Des solutions ? Lucien Willemin en lance onze pour endiguer le gaspi automobile. Comme défiscaliser les frais de réparation des voitures déjà immatriculées, proscrire l’exportation de véhicules usagés pour favoriser un recyclage optimal chez nous, mettre en place un marché national de pièces détachées récupérées avant la démolition, réduire le prix des pièces détachées neuves, limiter les leasings aux seuls véhicules âgés de deux ans ou plus – « en réduisant d’autant l’endettement des jeunes », ajoute l’auteur.

Pour lui, le temps de consommer moins et d’aimer plus est venu. « Car aimer aide à révolutionner les choses. Bichonnons les objets existants, prenons-en soin, faisons les vieillir. Et revenons à de petits plaisirs simples. Consommons moins de tout. Si le génie humain existe… ».  

 

 

Quid des politiques ? Philippe Bauer prêt au démarrage

Un appel à une intervention gouvernementale ponctue le petit livre « Halte au gaspillage automobile ». Il est signé de dix experts en la matière, tels les profs. Dominique Bourg (géosciences et environnement, UNIL), Nathalie Chèvre (écotoxicologue, UNIL), Vincent Kaufmann (EPFL, mobilités urbaines), Célia Sapart (climatologue), Sophie Swaton (philosophe, co-dir. Collections « Ecologie en questions » et « Nouvelles terres », PUF), ou encore Jean Ziegler.

Lucien Willemin compte sur ses relais politiques, indispensables pour faire avancer ses propositions. Si la droite embraye la première, gauche et Verts sont aussi conviés à monter dans le train. Et c’est bien parti : Philippe Bauer, le conseiller aux Etats PLR neuchâtelois a confirmé qu’il va rouler avec ce projet. Il entend relayer sous la coupole fédérale l’appel à intervenir pour réduire ce phénoménal gaspillage de ressources en cours, dont personne ne parle.

L’enjeu est de taille : lancer un programme étatique pour soutenir l’acquisition de voitures d’occasion et l’utilisation prolongée des voitures immatriculées du parc automobile suisse, l’un des plus « neufs » du monde. 

lachaussurerouge.net

« Garder sa vieille voiture pollue moins que d’en acheter une neuve » : Lucien Willemin, ici devant un spot chauxois (Garage Bonny) plante sa chaussure rouge dans la fourmilière du boom des électriques… (Photo : gs)
« Garder sa vieille voiture pollue moins que d’en acheter une neuve » : Lucien Willemin, ici devant un spot chauxois (Garage Bonny) plante sa chaussure rouge dans la fourmilière du boom des électriques… (Photo : gs)

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