Il était une fois une jeune femme qui avait épousé un Ajoulot. C’était elle qui portait les culottes à la maison. Ils avaient décidé qu’il feraient la vaisselle chacun leur tour. Cela allait bien, mais un soir, après le souper, l’homme resta à table, prit sa pipe et laissa la vaisselle dans l’évier. Sa femme resta assise aussi, en ne disant plus rien durant une heure. Mais son mari ne bougea pas non plus.
Il lui dit qu’il en avait assez de faire un travail de femme. Séraphine était bien étonnée, elle ne reconnaissait plus son homme, lui si à l’écoute, si gentil. C’est que le Baptiste revenait du bistro, où ses camarades s’étaient moqués de lui. Ils se disputèrent jusqu’à minuit, et finalement allèrent se coucher en se jurant que le premier qui reparlerait en serait quitte pour faire la vaisselle. Le lendemain, personne ne prononça un mot. La femme ne prépara pas à déjeuner, ni à dîner. L’homme ne s’occupa pas des bêtes, ne les abreuva pas, n’alla pas les traire.
Le soir, les vaches beuglaient, les moutons bêlaient, les cochons grondaient. Les gens commencèrent à s’inquiéter, ils n’avaient pas vu la femme au lavoir, ni l’homme à la scierie. Ils vinrent voir. Personne à la maison. Tout était bien en ordre, sauf la vaisselle qui était encore dans l’évier. La femme du maire trouva Séraphine dans un coffre, et Baptiste au grenier. Plus aucun ne bougeait. On pensa qu’ils étaient ensorcelés et on alla chercher le curé. Celui-ci piqua la femme avec une aiguille, qui se mit à crier « au secours » !
– Ah c’est toi qui a parlé la première, cria son époux en jubilant !
Depuis lors, les femmes doivent faire la vaisselle, c’est ainsi !
Parutions : 2020 Vouivres, sorcières, grimoires et loups-garous (Alphil).
2023 (à paraître) La princesse, le berger et le revenant (Alphil).