L’entreprise du Locle inaugure sa nouvelle station photovoltaïque de 3900 m2
3900 m2 de panneaux solaires installés sur le toit de Dixi Polytool vont faire tourner les machines du fabricant d’outils de découpage. La station solaire lui fournira un million de kWh, un tiers de sa consommation d’électricité. À l’origine du projet, son CEO Marc Schuler répond aux questions du Ô.
– Comment est né ce projet solaire ?
– La genèse remonte à 2018. On avait créé un groupe écolo au sein de l’entreprise, dans lequel on trouvait des jeunes et un brontosaure, c’est moi ! La station photovoltaïque était l’un de nos projets. Le Covid a retardé les choses mais il a connu un coup de boost énorme avec la guerre en Ukraine.
« Il s’agit d’anticiper la transition énergétique »
– La transition énergétique n’était donc pas l’unique motivation ?
– On a dû faire face à la hausse du coût de l’électricité et aux risques de rationnement. Même si on trouvait le catastrophisme ambiant sur le black-out un peu ridicule, cela posait la question de l’auto-approvisionnement.
Comme on était sur un projet écologique, c’était hors de question d’acheter des chinoiseries ! Faut être cohérent, d’autant plus que nous poussons à fond le swiss made. Nous avons choisi la technologie Meyer Burger, donc des panneaux réalisés par une entreprise suisse, développés en Suisse, mais fabriqués en Allemagne. Notre objectif c’était d’en faire une story, de montrer qu’on peut trouver une solution complète près de chez nous.
– Les solutions locales sont généralement plus chères. Vous avez investi combien ?
– Le parc solaire c’est 1,25 million. L’option chinoise aurait peut-être coûté 150 000 francs de moins.
– Ça sera rentable ?
– Le courant qu’on va produire nous coûtera un peu moins de 6 cts le kW alors que si on devait l’acheter au prix du marché, on serait entre 18 et 20 cts. Le gain est immédiat. Cela représente plusieurs centaines de milliers de francs par année.
– L’étape suivante ?
– On a un autre projet en cours, pour la fin de l’année, de récupération de la chaleur du groupe froid et du compresseur. D’après les calculs, on économisera plus de 50 % du chauffage. On vise une rentabilité sur deux ans. Ça serait stupide en tant que manager de refuser un tel investissement même s’il est de l’ordre de 250 000 à 300 000 francs. Pour la suite on travaille aussi sur la réduction de la consommation, notamment du parc de machines à l’arrêt. Aujourd’hui on constate que n’importe qui peut encore massivement réduire sa consommation énergétique
– En quoi la station solaire est-elle pionnière ?
– C’est le côté local. On est allé au bout de la logique. Et on a aussi voulu montrer que l’expérience est transposable à domicile en permettant à nos collaborateurs qui le souhaitent d’installer une station photovoltaïque à la maison en bénéficiant de conditions favorables.
– Une bonne affaire cette station solaire ?
– Elle réunit notre volonté de participer à la transition écologique et d’augmenter notre production propre. Et quand on s’est rendu compte que c’était rentable très vite, ça ne faisait aucun sens d’attendre.
Le CSEM est dans le coup
Le CSEM, un leader de la recherche photovoltaïque à l’international, est associé au projet Dixi. Son laboratoire est situé à deux pas du Laténium, le musée archéologique des rives du lac de Neuchâtel. Plus de 3000 ans séparent les technologies lacustres de nos panneaux solaires. Matthieu Despeisse est à la tête de l’innovation photovoltaïque du CSEM.
– Que représente le nouveau parc solaire de Dixi pour vous ?
– La concrétisation d’une techno-
logie développée depuis des années par le CSEM et l’EPFL, qui se retrouve aujourd’hui sur le marché.
– En quoi consiste l’innovation ?
– On parle d’hétérojonction ! La pose d’une très fine couche de l’épaisseur d’un cheveu sur la surface des cellules en silicium, qui permet d’augmenter leur efficacité. À Neuchâtel, nous avons une grande expérience sur ces couches minces, qui sont également en silicium.
– Le CSEM est présent sur d’autres sites ?
– Oui, et hasard du calendrier, un jour après Dixi nous inaugurerons un champ de panneaux solaires à la raffinerie de Cressier, qui sera la plus grande centrale photovoltaïque du pays. À la différence d’un toit solaire, un champ solaire permet d’utiliser les deux faces des cellules. On gagne 10 à 20 % d’efficacité.
– Quel a été votre rôle chez Dixi ?
– Un rôle de conseil car Dixi a joué
les précurseurs en utilisant les panneaux de Meyer Burger. Ce sont les seuls complètement fabriqués en Europe, ils constituent les fers de lance de la réindustriali-
sation photovoltaïque de l’Europe face à la Chine.
– Quel avenir pour l’énergie solaire ?
– Selon l’Agence internationale de l’Énergie, le solaire représente 4,5 % de la production d’électricité dans le monde. On devrait atteindre les 50 % en 2050. En trois ans, on va installer autant de panneaux solaires dans le monde que ces vingt dernières années.
– Les Verts vont lancer une initiative qui exige l’installation de panneaux solaires sur tous les toits. Réaliste ou utopique ?
– Au niveau énergétique c’est une très bonne chose. Si on veut accélérer le calendrier, il y a beaucoup d’installations à construire. Le solaire est la source d’énergie la plus facile à déployer, la plus efficace en termes de coûts et d’impact environnemental, mais il faut trouver une solution pour le stockage.
– Ça va trop lentement ?
– Oui. Ça commence à bouger mais il a fallu la guerre en Ukraine et les soucis d’approvisionnement pour accélérer les choses.
– La guerre a plus fait bouger les mentalités que le 0 ̊C à 5300 m d’altitude ?
– Les conséquences de la guerre sont plus immédiates que le réchauffement. C’est la peur d’avoir froid l’hiver prochain.