L’été (pas) déraciné

Lisa Anna Bärtsch

Collectif des Plumes Nomades
Adaption française Florence Galland (ÉcriStoire)

Doucement, le crayon gratte le papier ; l’heure avance. Mes pensées se tournent vers cette fin d’été à La Chaux-de-Fonds.

Les martinets noirs sont partis, leurs sifflements insolents et leurs cris attirants se sont tus haut dans le ciel.

Où sont les merles qui, en chantant et en trillant, faisaient vibrer l’air tôt le matin ?

Dans les jardins, dans les buissons, plus de framboises ; finis les doux jours d’été.

Pendant ce temps, les gens reviennent dans leur ville, insouciants, bronzés et légèrement vêtus.

Étrange – comme si l’été n’arrivait à La Tchaux que maintenant, alors qu’il touche bientôt à sa fin : des nuits tièdes, des cafés débordant sur la rue ; de la musique résonne, des rires, des discussions, des bavardages. Des gens qui mangent à des tables dressées dehors, des verres qui tintent, des couples amoureux, baisers sur les rues le soir, dans les cours, dans les jardins des couples enlacés qui dansent.

Ne voient-ils pas les tuiles balayées sur les trottoirs, les vitres et les vitrines brisées, les façades arrachées ? Ne sont-ils pas effrayés par les arbres déchiquetés dans les parcs détruits de la ville ?

Ne sont-ils pas terrifiés par les géants déracinés dans la forêt ?

À trois heures du matin, je vois pour la première fois de l’année la constellation hivernale d’Orion dans le ciel au sud-est.

Mon crayon se tait ; le tictac de l’horloge continue en silence.

 

Dernière publication : Zerrissene Zeit (e-Book, 2020)

www.elisabethvonsteinen.ch

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