Tous derrière et lui… devant !

Anthony Picard

L’élection complémentaire au Conseil d’État aurait pu être tacite. Elle ne le sera pas !
Mais Frédéric Mairy ne risque rien face aux citoyens trublions Pieren et Wroblevski…

L’élection aurait pu être tacite…. mais elle ne le sera pas ! Depuis que les citoyens Pieren et Wroblevski ont fait acte de candidature. Après confirmation du Conseil d’État que le premier tour de l’élection complémentaire se déroulerait le 26 novembre, la plupart des partis avaient jeté l’éponge laissant le champ libre à Frédéric Mairy. C’était sans compter sur l’intérêt du Parti démocratique européen et de Modernocrate, tous deux mobilisés pour barrer la route au représentant du PS. Sur fond de démocratie, ce scrutin estimé à  CHF 190 000.- permettra peut-être au premier tour déjà, d’élire le successeur de Laurent Kurth. Voici notre grand entretien avec le Vallonier qui Cours toujours (Éditions Alphil 2023).

Né à Fleurier en 1973, celui qui a fait ses écoles à Neuchâtel et Strasbourg possède l’avantage de connaître le fonctionnement d’un exécutif. Papa de trois enfants, le politicien est depuis 2013 conseiller communal à Val-de-Travers et préside depuis 2016 l’Association des communes neuchâteloises. Rencontre à Couvet avec celui qui s’était, en 2021, retiré au second tour de l’élection au Conseil d’État au profit du vert Roby Tschopp offrant au PLR l’occasion de prendre la majorité au Château.

– Couvet, le Val-de-Travers, le canton de Neuchâtel, un dénominateur commun ?
– Oui, la cohérence. Je partage la vision du Conseil d’État d’un canton uni, fort de 4 régions. D’ailleurs, après avoir étudié à Strasbourg et travaillé Paris, j’y suis revenu. J’aime mon canton, j’habite à Couvet parce que nos régions offrent un équilibre idéal entre nature et urbanité. Ici, il est encore facile de tisser des liens et de trouver des solutions. Le canton de Neuchâtel n’est toutefois pas un poids lourd à l’échelle du pays et il est indispensable que nous soyons unis.

– Vous remplacerez le Chaux-de-Fonnier Laurent Kurth. Comment agirez-vous pour être le représentant de toute la population y compris de la gauche des Montagnes ?
– Dans ma fonction d’élu, je m’engage à représenter l’ensemble de la population. Il y a les partis, il y a aussi des femmes et des hommes qui défendent une ligne commune afin de satisfaire nos 4 régions. Dans mon rôle de président des communes du canton, je veille à l’intérêt du bien commun par des faits. Ça coule de source de représenter les régions des Montagnes, du Littoral et des deux vallons.

– Quel regard portez-vous sur la cohésion cantonale, sa fragilité, exacerbée lors du scrutin des hôpitaux ou dans le dossier de répartition des subventions aux régions d’altitude ?
– Je l’estime être de meilleure qualité que dans le passé mais rien n’est jamais gagné ; il faut la nourrir pour la maintenir. Ce sont les actions qui prouvent ce que j’avance et, en la matière, nous sommes très près de décrocher un succès de taille au crédit de cette fameuse cohésion. Dans le dossier sensible de la répartition de la subvention allouée aux communes d’altitude, la commission parlementaire a fait un bon travail de compromis, prolongeant celui du Conseil d’État et de l’ACN. Si le calendrier est respecté, le sujet sera présenté au Grand Conseil dans sa session de décembre.

– Inscrit depuis 2004 au PS, vous fêterez un 20e anniversaire sympa en cas d’élection. Qu’est-ce qui changera avec vous au gouvernement ?
– C’est avant tout pour moi que les choses changeront ! D’une part, avec la portée et l’étendue des responsabilités mais aussi sans doute avec la charge de travail. Nouveau venu dans une équipe et sachant qu’une transition n’est jamais simple, il faudra que je trouve mes marques dans le Conseil d’État et auprès des équipes des services qui me seront confiés.

– Comment se comporter face aux adversaires Pieren et Wroblevski ?
– À l’identique que je le ferais avec n’importe quel citoyen dans la course.

– Pronostics sur le 26 novembre, quel taux de participation et quel score pour vous ?
– Heureusement, plusieurs votations sont à l’agenda ; je prévois donc 30% avec optimisme. À la seconde question, je vous réponds espérer être élu au 1er tour ! (réd : avec plus de 50% des suffrages en sa faveur).

– Le département de Laurent Kurth est un mastodonte. Espérez-vous un rebrassage des départements et une rocade entre membres de l’exécutif ?
– La santé et ses enjeux c’est déjà grand. Avec la transversalité des finances, les deux départements forment en effet un super département. J’imagine que les discussions vont bon train parmi les membres du Conseil d’État pour conserver le statu quo ou faire des rocades. Comme je ne suis pas dans la confidence et sachant que la tradition veut que le dernier arrivé s’exprime à la fin, je suis ouvert à tout. Mais on sait que tout changement est sensible au sein d’une administration.

– Quel est le département idéal pour le candidat Mairy?
– Siéger dans un exécutif cantonal est un exercice qui demande de l’ouverture et de la souplesse. Chaque département, chaque service a ses enjeux et ses spécificités. Prêt à m’inscrire dans la continuité, je me réjouirais de reprendre la santé, qui représente un vrai enjeu de politique publique.

– Comment lutter contre la vie chère et juguler les coûts de la santé ?
– Puisque tout augmente, on ne peut pas se contenter de correctifs en aval pour que la population puisse s’acquitter de ses factures. Il faut viser une augmentation générale des salaires, en gardant en tête que le bénéfice se ressentirait sur plusieurs fronts, dont ceux de l’économie locale et de la perception de l’impôt. Face à la cherté des primes, on s’époumone contre les caisses qui répercutent les coûts, mais c’est avant tout le système qui doit être entièrement repensé, en impliquant davantage financièrement la Confédération, qui doit assumer ses responsabilités. Cela n’empêche pas de travailler à des améliorations cantonales ; à Neuchâtel, nous devons trouver davantage de synergies entre les structures pour éviter toute fuite en avant.

– La gauche veut limiter à 10% les primes d’assurance-maladie ; la droite offrir des déductions supplémentaires sur le calcul de l’impôt. Quelle est votre opinion sur ces ponctions dans le porte-monnaie de la classe moyenne ?
– Tant que les primes ne seront pas indexées aux salaires, les faibles et, de plus en plus, moyens revenus seront asphyxiés par celles-ci et les collectivités seront amenées à les subventionner. Je vois l’action visant à limiter les primes à 10% du revenu comme une manière de faire pression sur la Confédération, pour qu’elle assume enfin ses propres responsabilités. Quant à l’initiative du PLR, j’estime que les moyens à disposition des collectivités publiques doivent être préservés.

– À quels défis majeurs le Canton devra-t-il faire face ?
– Planétaire, le réchauffement climatique est un défi dont les conséquences sont visibles chez nous. La sécheresse des forêts, les températures élevées et les catastrophes naturelles sont là pour nous rappeler que l’avenir de la planète doit être pris au sérieux. Face à l’enjeu majeur de limiter le réchauffement, je ne vois pas comment y parvenir sans restriction. Certaines mesures pourraient aujourd’hui choquer, mais limiter le transport aérien sera sans doute naturel demain.

 

 

 

Portrait minute

De quoi avez-vous peur ? Ma principale crainte est liée aux bouleversements climatiques. Sur un plan plus personnel, j’avoue n’être pas vraiment à mon aise dans les grands mouvements de foule.

Quel objet emporteriez-vous sur une île déserte et pourquoi ? Un livre parce que je suis un lecteur assidu et que celui-ci me donnerait de la compagnie (rires…).

Rasage manuel ou électrique ? Électrique dit-il, en précisant « pas tous les jours »…

Ce que vous détestez chez les autres ? L’hypocrisie.

Avez-vous des sujets tabous ? Non.

Quel est votre plat préféré ? La parmigiana, gratin d’aubergines.

Enfant, quel métier rêviez-vous d’exercer ? Grutier et je dois dire que je ne suis pas loin du compte ; en politique il faut savoir construire et prendre de la hauteur.

Quelle est pour vous LA personnalité vivante neuchâteloise ? Baptiste Hurni.

 

 

 

Les adversaires

La Chancellerie a confirmé l’éligibilité des citoyens Mairy, Pieren et Wroblevski. La présence des seconds nommés agace la population qui en a marre de retrouver le nom de ces prétendants, pour ne pas écrire de ces prétentieux lors de scrutins qui n’ont rien d’une Grande Récré. Joli pied de nez du Parti Fédéraliste européen et de Modernocrate aux citoyens neuchâtelois… le temps que les urnes livrent leur verdict.

 

Le Chaux-de-Fonnier
Jean-Luc Pieren
Né en 1955 (68 ans), le citoyen originaire d’Adelboden refuse l’anonymat. L’ex-agrarien a défrayé la chronique en 2018 avec sa plainte nominative conséquente à un projet immobilier inabouti. Celui qui aime les défis peut s’enorgueillir d’avoir convaincu 171 votants en 2019 à l’élection au Conseil national ; 10 753 voix pour Fabien Fivaz. Dopé par ses passages devant les tribunaux, la bête politique continue sa quête. Après sa condamnation pour blanchiment d’argent par le Tribunal cantonal en avril 2023, Pieren ne manque pas de culot et en remet une couche avec sa double candidature au Conseil des États et à la succession de Laurent Kurth.

 

L’habitant de Neuchâtel
Thomas Wroblevski
Né en 1987 (36 ans), le citoyen de Neuchâtel n’en est pas à son premier coup d’annonce en vue d’accéder à une fonction fédérale ou cantonale. Celui qui milite pour changer la loi cantonale sur les droits politiques afin que les bulletins blancs soient considérés, revient épisodiquement sur le devant de la scène. En 2014 dans sa course au Conseil d’État, il s’envolait en s’emparant de 10% des suffrages avant de revenir sur terre en 2019 avec ses 142 voix récoltées dans sa course à l’accession au Conseil des États. En cas d’élection, le militant du vote blanc s’engage… à démissionner immédiatement.

Sauf magistrale surprise, le candidat Mairy, ici à Couvet, devrait passer au 1er tour. (ap)
Sauf magistrale surprise, le candidat Mairy, ici à Couvet, devrait passer au 1er tour. (ap)

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