Alain Margot s’en est allé. Sa caméra sur l’épaule. Pour son plus long traveling. Un plan séquence pour l’éternité. C’était un grand bonhomme, quelqu’un de rare, d’unique. J’ai eu honneur de croiser sa route il y a bien longtemps dans une vieille cuisine enfumée de la rue du Parc. J’ai eu ce même honneur de l’accompagner à la porte d’embarquement Gate 63 pour une destination que lui seul connait. Fan avant que l’amitié nous unisse pour ces petites tranches de vie ma foi trop courtes, il nous avait fait vibrer et rire dans ses épisodes mythiques lors du Grand Raid.
C’était un ami. Peut-être un des tous derniers qu’il me reste. C’est qu’ils commencent à se faire rares dans le crépuscule naissant. Prenez donc tout votre temps, mes amis, pour vivre encore, partager encore, boire encore, rire encore. Après n’est pas maintenant. C’est le présent où les regrets n’ont pas leur place, qui compte. L’amitié a cet avantage sur l’amour, c’est qu’elle peut s’en passer.
Des pellicules, il en a eu. Des kilomètres de super 8. Retravaillées, grattées, colorisées, qui renaissaient sous forme d’images magnifiques et réinventées qui ne bougeaient plus. Comme lui maintenant.
On s’installait dans son salon, on regardait des films d’horreur de série B, C, jusqu’à Z, des films où l’horreur était drôle, tellement plus drôle que l’horreur du quotidien sans imagination dans des superproductions nazes. On s’asseyait dans son salon, on regardait des matchs de foot de l’équipe suisse, des films d’horreur souvent, d’action parfois. Il y avait le café de l’Abeille, Papin, Christine et la « Chasse » et la soupe qu’il n’arrivait plus à finir. Il y avait sa vieille Volvo, « La Volv’ » où Bashung, qui avait pris un peu d’avance, lui indiquait le chemin comme un GPS de génie.
Et il y a Le Train Fantôme. Son œuvre majeure. L’endroit où il y a le plus de femmes. Mieux les avoir en photos, m’avait-il dit, lui qui venait de perdre son égérie, la vieille Ochs. Si vous voulez connaître ce qu’il y a dans le cerveau d’Alain Margot, il faut aller au Train Fantôme. Ce lieu restera, lui. On y fera bientôt la fête, je vous le garantis. Coupez ! Elle est bonne !
Pas besoin d’en faire tout un cinéma, non plus. À bientôt mon pote.