Écrire est une activité bien étrange. Quand on pense un jour qu’on a tout dit, que jamais plus l’inspiration ne frappera à la porte, il suffit de lever les yeux, de savoir à nouveau que l’on est tout petit pour que la lumière des montagnes, le passage d’un nuage ou les sautillements d’un oiseau frêle nous rappellent qu’il y a encore des choses à dire. Des choses à crier en silence sur le blanc du papier.
Et puis tous ces gens qui liront. Qui toucheront l’encre des mots, qui s’y retrouveront, qui souriront en dedans. Qui passeront à la page suivante.
À l’ère du « tout tout de suite », du lire vite, des doigts qui glissent sur les écrans pour filer voir l’après, comment garder ce papier si précieux ? Comment se motiver encore à laisser le vite au placard pour capturer le temps entre les mots ? Comment vous faire vous arrêter et réfléchir ? Nous pourrions nous enflammer sur l’actualité, nous étaler sur l’écologie. Nous pourrions épiloguer sur ce quotidien qui plombe, qui stresse. Nous pourrions être sérieux encore et toujours.
Et si on ouvrait la fenêtre pour regarder ce qu’on ne voit plus ? Et si on allait faire frétiller les feuilles mortes des chemins déserts ? Et si on mettait les mains dans nos poches pour retrouver des trésors oubliés ? C’est peut-être ça écrire… Retrouver des sensations oubliées pour pouvoir avancer un peu. Pour pouvoir s’attarder sur les mots de sa vie. Pour retrouver un peu de soi chez les autres. Écrire, lire et vaincre cette solitude de papier. Vaincre les temps gris. Lever les yeux
Ouvrages parus :
Quand il faudra partir, Torticolis et Frères, 2018. Femme fleurs, Torticolis et Frères, 2021