Emmanuel Macron nous rend visite sur fond de tensions et négociations avec l’UE
15 avril 1983. Deux ans après le début de son premier septennat, François Mitterrand répond à l’invitation du Conseiller fédéral chaux-de-fonnier Pierre Aubert. L’histoire retiendra un menu sulfureux servi au Palais DuPeyrou à Neuchâtel avec comme point d’orgue un fameux soufflé à l’absinthe – encore illégale à l’époque – qui vaudra au chef cuisinier de sérieux déboires avec la justice neuchâteloise. Une visite au demeurant historique – la toute première d’un chef d’État français en Suisse depuis 1910 – avec au menu des discussions des différends liés à l’évasion fiscale et notre relation à l’Europe.
François Mitterrand – qui se déplacera à sept reprises en Suisse – insiste alors sur la nécessité d’un positionnement clair de la Suisse. « Il faudra bien marcher ensemble. D’une façon ou d’une autre. Mais cette façon-là, c’est à vous de la décider, peuple suisse. »
En 1998, la visite de Jacques Chirac intervient dans un contexte de crise. La demande d’adhésion à l’UE est gelée après le refus en votation populaire de l’adhésion à l’Espace économique européen (EEE). Flavio Cotti obtiendra le soutien de la France pour négocier le premier paquet d’accord bilatéraux avec l’Europe. Depuis la dernière visite d’un président français en Suisse – en 2015 avec la venue de François Hollande – le cours de l’histoire s’est accéléré. La Suisse a abruptement rompu la perspective d’un accord-cadre avec l’Union européenne. Le continent européen – en paix depuis 1945 – est à nouveau confronté au péril de la guerre. Citant Blaise Cendrars, le président Berset l’a d’ailleurs rappelé en préambule à son discours, rappelant la gravité du contexte international et la fragilité de nos démocraties.
La relation de voisinage et d’amitié qui lient la France et la Suisse a toujours été complexe et tumultueuse. Une visite d’État symbolique qui intervient après les vives tensions entre les deux pays, quand la Suisse, en 2021, a porté son choix sur les F-35 américain plutôt que sur les Rafale. Emmanuel Macron l’a rappelé avec insistance dans la salle des pas perdus du Palais fédéral. « L’amitié, oui, mais l’amitié s’entretient… Nous vivons un moment charnière entre la Suisse et l’Union européenne. »
Notre relation à l’Europe, aujourd’hui encore, a toujours constitué le fil rouge de notre relation à la France. Les enjeux sont de taille. Notre dépendance énergétique. La fragilité de nos partenaires économiques. Notre isolement sur la scène européenne alors que le monde vit un point de bascule. Le dialogue semble aujourd’hui se renouer. Après des mois de silence et d’incertitude, le Conseil fédéral dit envisager vouloir négocier avec ses partenaires européens. Il exprime sa volonté de retrouver un accès complet au programme scientifique Horizon Europe et aux programmes d’échanges Erasmus. Avec la perspective de renouer avec une voix médiane. Très helvétique.
Adhérer à cette fameuse Communauté politique européenne qu’Emmanuel Macron appelle de ses vœux pour des pays candidats comme l’Ukraine. Une instance à mi-chemin du Conseil de l’Europe et de l’Union. Être dans l’Union, sans y être vraiment. Une forme d’antichambre dans la perspective d’une adhésion future.