Pour une renaissance argentée de dame Nature

Bernadette Richard

En bijouterie, tout a été imaginé, créé, présenté, porté. Tout ? Ce serait oublier les artistes de la Bijouterie Sauvage

À l’entrée sud de Numa-Droz 5, Renard – sa couleur explique peut-être son nom – reçoit le visiteur avec force aboiements et mouvements de queue témoignant de son chaleureux accueil. Sa maîtresse, Léone Landwerlin, et son associée Ariane Schindler, annoncent la couleur sur leur site Internet : « Transformer des trésors du milieu naturel en bijoux du vivant ultrafidèles à la réalité. » Vaste programme qui ne manque pas d’ambition !

Mais commençons par le début : deux filles diplômées de l’Ecole d’arts appliqués doivent un jour gagner leur vie. Mais pas question de travailler dans la haute joaillerie dépourvue, pour elles, d’imagination débridée. Comme elles vivent en coloc, elles consacrent un coin de l’appartement à leur passion créatrice. « J’en avais marre de la bijouterie telle qu’elle est enseignée, souligne Ariane, l’école propose une certaine manière de créer, avec une marche à suivre. » Elles suivent néanmoins des stages complémentaires en France, notamment auprès d’un vieux et génial bijoutier installé dans les Vosges. « Ses connaissances étaient illimitées, précise Léone, c’était un créateur extraordinaire. A l’école, nous avions acquis des notions d’esthétique, le graphisme, le dessin, nous avions des bases dans de nombreux domaines. Restait à inventer un concept à nous. »

En attendant l’idée de génie, elles bricolent dans leur coin d’atelier, entre le temps consacré au travail alimentaire. Amoureuses de la nature, elles ont l’habitude de ramasser des cailloux, des plantes, des fossiles, des crânes d’animaux lavés, impeccablement nettoyés au fil du temps… Eh bien voilà, elles le tiennent, leur concept, d’autant qu’elles s’étaient dit qu’il leur plairait de développer les moulages.

En 2018, elles ouvrent leur atelier sous le nom de Bijouterie et charcuterie, un clin d’œil un brin provocateur aux carcasses d’insectes, crânes d’oiseaux, os de petits animaux, fossiles, coquillages, escargots, moules, tentacules de poulpes qu’elles moulent avant d’en tirer une copie parfaite en argent (en or ou autre métal si le client le désire). Leurs pièces comprennent également une collection végétale surprenante : branches des hêtre, chou romanesco, capsules de pavot, graines d’ail des ours et autres noyaux de prune, etc. Leur famille et amis leur apportent parfois des végétaux exotiques, tel callitris columellaris d’Australie.

Au départ, les clients se recrutaient parmi leurs amis, puis le bouche à oreille a permis d’étendre la clientèle. Il y eut alors des déménagements pour l’installation d’un atelier-boutique qui leur permette de créer paisiblement tout en recevant les clients dans de bonnes conditions. Le sud de Numa-Droz 5 est un nid idéal pour les cadavres animaliers ou floraux auxquels bientôt elles offriront une seconde vie.

Cet automne, elles ont changé le nom de l’entreprise de Bijouterie et charcuterie en Bijouterie sauvage : « Nous avons mis l’accent sur les végétaux. Le côté charcuterie plaît beaucoup à La Chaux-de-Fonds, un peu moins ailleurs, où la démarche animalière arrache à certains clients des moues de répulsion », explique Ariane. Tout le monde ne voit pas l’aspect résurrection du petit cadavre.

Les pierres représentent un autre aspect de leurs créations. Elles ont accumulé une impressionnante collection de cailloux de toutes dimensions et de toutes couleurs. Celles-ci servent aussi pour les bijoux. Enchâssées dans des végétaux ou des moules, sur le dos des insectes, les pierres offrent aux deux sculptrices un petit plus qui bonifie leurs collections.

Bijouterie sauvage,
Numa-Droz 5 (entrée sud),
La Chaux-de-Fonds.
www.labijouteriesauvage.com

Ci-dessus, à l’établi, Ariane (à droite) & Léone (à gauche).
Ci-dessus, à l’établi, Ariane (à droite) & Léone (à gauche).

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