L’artiste valaisan raconte dans La révérence l’odyssée d’un adolescent homosexuel rêvant de la vie de comédien. À l’ABC les 21 et 22 février. Entretien
L’ABC accueille les 21 et 22 février le Valaisan Emeric Cheseaux pour son spectacle La révérence. Cette autofiction raconte l’histoire d’un jeune adolescent homosexuel souhaitant devenir comédien. Entre humour et nostalgie, le Valaisan retrace son parcours et traite du milieu viticole en imitant, avec leur accent, des personnalités de son village d’enfance.
– Comment est né ce spectacle ?
– Je l’ai créé à ma sortie d’école à la Manufacture de Lausanne. Il parle du moment où j’ai décidé de quitter le village de mon enfance pour aller me former comme comédien à Genève. J’avais une image peu glorieuse du Valais. Je souhaitais le quitter pour toujours. Mais au moment de partir, il a commencé à me manquer. Et toutes les choses qui m’avaient poussé à le fuir m’ont rappelé à quel point je l’aimais. C’est un spectacle drôle, mais pas d’humour à proprement parler. Mon but n’est pas de faire rire, mais de raconter mon histoire. L’humour, c’est parce que c’est ma manière de fonctionner. Derrière, il y a une pincée de nostalgie.
– Pourquoi les accents ?
– Une copine française a rencontré mes parents et m’a dit qu’elle ne comprenait pas ce qu’ils lui disaient ! J’ai mesuré que nous avions une manière très particulière de nous exprimer. Avec un accent hyper fort dont je n’ai pas hérité. L’idée a été d’essayer de comprendre pourquoi j’ai rejeté cette façon de parler. Du coup, j’ai voulu rennoblir cet accent, le mettre sur scène avec une portée artistique et noble. La réflexion sur le milieu rural dont je viens a suivi. L’agriculture et les vignes ont toujours fait partie de mon enfance. C’est quelque chose d’assez particulier à mes yeux.
– Un parallèle entre viticoles valaisans et neuchâtelois ?
– On a accès à un langage très familier. Je fais rentrer mon public dans mon intimité. Mais il fallait que ce spectacle parle aux autres aussi. Depuis que je le joue, je sens qu’ils se reconnaissent dans cette histoire. Avec ma touche d’humour, j’en ai fait une autofiction, pour que ça parle à tout le monde. D’ailleurs, je suis ravi de revenir dans la Métropole horlogère car la première fois que je suis venu, j’ai remarqué plein de parallèles avec le Valais qui sont hyper forts.
– Vous revenez donc avec bonheur ?
– Je me réjouis trop ! Je suis assez nerveux et stressé, mais ça va aller. J’ai déjà joué un spectacle scolaire dans votre ville, et j’ai eu un coup de cœur. Je ne pense pas oublier mon texte durant le spectacle. Des trente minutes initiales, j’ai créé une version en novembre sur une heure. Ce sera ma première en dehors de Sierre.
– Faire sa place sur la scène théâtrale suisse, difficile ?
– Je ne suis pas le mieux placé pour parler des difficultés : j’ai eu beaucoup de chance, j’ai trouvé assez vite du travail à ma sortie d’école. J’en parle dans mon spectacle. C’est dur de comprendre comment fonctionne ce milieu, dont l’avenir est constamment flou, où se projeter sur le futur reste difficile. Cela fait partie des risques du métier. Notre entourage ne les comprend pas forcément.
– Votre message pour dire aux gens de venir ?
– Il y a plusieurs lectures possibles de mon spectacle. Il y a toute une réflexion sur l’héritage, notre éducation, ce qu’on garde de notre milieu et ce qu’on décide de rejeter. Mais au fond, j’ai toujours eu l’impression d’être différent au sein de mon cercle familial et de mon village. Je suis homosexuel et il y a une métaphore qui est tissée entre le fait d’être comédien et homosexuel. Ce spectacle est un hommage à mon entourage qui a accepté par amour de changer sa vision des choses. Mes proches ont essayé du mieux qu’ils pouvaient de faire le bien. C’est peut-être ça que je veux transmettre : les gens qui veulent bien faire même si par moments ils font tout faux… C’est le plus beau dans la vie : voir l’effort qu’on est prêt à mettre en place pour ceux qu’on aime, qu’on rencontre et comment on choisit de les rencontrer.