L’hommage du Ô à l’eau courante

Patrick Fischer

Pour célébrer la journée mondiale de l’eau, Le Ô vous sert le fabuleux parcours de l’eau potable, de l’Areuse jusqu’aux robinets de La Chaux-de-Fonds

La journée mondiale de l’eau, ce vendredi 22 mars, est une occasion de découvrir ce qu’il y a derrière le robinet ! À La Chaux-de-Fonds, on y trouve un imposant dédale, 300 km de conduites, des galeries, des réservoirs, des pompes et des turbines pour faire remonter l’eau des gorges de l’Areuse, puisée 500 m plus bas, et rejetée après usage dans le Doubs. Une prouesse technologique, réalisée en 1887, qui a pour effet de détourner chaque jour l’équivalent de quatre piscines olympiques (9000 m3 d’eau) de son cours naturel en direction du Rhin et de la mer du Nord vers la Méditerranée ! Par mesure de sécurité, cette voie historique a été doublée dans les années 1990 par une remontée des eaux du lac de Neuchâtel à travers le tunnel sous la Vue-des-Alpes.

L’eau est la propriété des communes. Son exploitation est confiée à Viteos pour environ 70 % de la population du canton, soit 120 000 habitants. C’est 1200 km de réseau qu’il faut gérer, surveiller et sécuriser en permanence, 180 fuites qu’il faut colmater chaque année, plus de 3 millions d’investissements annuels pour rénover le réseau. De plus, de grands travaux ont été engagés depuis 2011 pour plus de 40 millions de francs. Prochaine et dernière étape, la rénovation complète de l’usine des Moyats, le cœur du système en amont de Champ-du-Moulin. Cinquante personnes travaillent au service des eaux, dirigé par Olivier Chuat. Il répond aux questions du Ô.

– Décrivez-nous le trajet de l’eau que boivent les Chaux-de-Fonniers.
– On ne boit pas l’eau de la rivière, mais des nombreuses sources du château d’eau captées dans les gorges de l’Areuse. La station de pompage des Moyats refoule cette eau jusqu’à Jogne à plus de 1000 m d’altitude, d’où elle s’écoule par gravité sur 15 km environ en direction des réservoirs du Vuillème et des Foulets, au-dessus de la ville. Elle fait le trajet en six heures !

– Quelle est la part qui provient du Lac de Neuchâtel ?
– Environ 85 % de l’Areuse et 15 % du lac.

– Pourquoi on ne pompe pas plus d’eau du lac ?
– On privilégie l’eau de l’Areuse car elle nécessite moins d’énergie de pompage. L’eau du lac reste une alimentation de secours.

– À quel moment elle devient potable ?
– L’eau devient potable après une chloration au départ de l’usine des Moyats. Elle est contrôlée en continu avec des analyses régulières en laboratoire.

– Les pertes atteignent 25 %, c’est beaucoup !
– On parle de pertes, mais c’est l’eau qui n’est pas facturée. Celle qui est prise par exemple par les fontaines, les purges du réseau ou sur les hydrantes. Les véritables fuites représentent tout de même 20 %. C’est plus que la moyenne suisse qui est de 15 %.

– Des gros travaux sont en cours, pour quoi faire ?
– Pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable car on a affaire à des ouvrages de plus de 100 ans. Après le percement des galeries de la Corbatière et de Jogne, le remplacement des conduites ascensionnelles, on va rénover l’usine des Moyats. Les pompes sont vieillissantes et gourmandes en énergie. On ajoutera une installation d’ultrafiltration pour enlever les matières organiques et minérales qui se déposent dans l’eau.

– Des millions d’investissements, est-ce que l’eau est plus chère à La Chaux-de-Fonds ?
– Elle coûte à peine 2 francs, sans les taxes, pour 1000 litres d’eau. C’est dérisoire quand on pense à tout ce qu’il y a derrière.

– Les Chaux-de-Fonniers sont-ils des grands consommateurs d’eau ?
– Pas plus que les autres. On a fait beaucoup d’économies. Il y a vingt ans on consommait chaque jour 350 litres par habitant, aujourd’hui c’est tombé à 210. Les industries ont aussi joué un rôle important en la recyclant et en réduisant la consommation.

– Utiliser de l’eau potable dans les chasses d’eau, ça fait du sens ?
– Tant qu’on n’a rien d’autre à disposition, oui. Il existe des projets de récupération des eaux de toiture, les eaux grises comme on les appelle, pour les toilettes ou pour laver les voitures, mais ça pose d’autres problèmes. Il faudrait faire des réseaux séparés et installer des compteurs pour payer la taxe d’épuration.

– Quel est le plus grand souci quand on gère un réseau d’eau potable ?
– Garantir la fourniture et la qualité de l’eau 24 heures sur 24, sachant que c’est une denrée alimentaire. Nos services sont de piquet en permanence en cas d’alarme, de pollution, par exemple s’il y a un excès de turbidité après un orage ou une fuite.

– Vous avez des préposés aux fuites ?
– Oui on les appelle les « fuitards », ils sont en charge de trouver les fuites. C’est un gros stress quand un réservoir se vide plus vite qu’il ne se remplit, nous n’avons alors que quelques heures seulement pour agir.

 

Plus cher au Locle

Au Locle, les histoires d’eau sont très différentes. La ville a sa propre nappe phréatique sous ses pieds. Elle y puise 90 % de ses besoins, les 10 % restants viennent du lac de Neuchâtel. L’eau y est facturée plus cher : 2,65 francs le m3 contre 1,98 franc à La Chaux-de-Fonds. Avec 15 % de pertes, la Mère commune fait mieux que la Métropole horlogère. « De gros investissements ont été réalisés ces dernières années pour l’entretien du réseau », explique Olivier Chuat.

 

L’or bleu au goulot

– Quel est l’intérêt d’une journée mondiale de l’eau ?
– Ça permet de sensibiliser les gens à la valeur de ce bien qu’on appelle l’or bleu. Quand l’eau coule à flot, on ne sait généralement pas d’où elle vient.

– L’eau est un bien comme un autre ?
– Qu’est-ce qui est plus important, l’eau ou les réseaux sociaux ? À mon avis, la réponse coule de source !

– Est-ce qu’on pourrait manquer un jour d’eau potable ?
– Avec le réchauffement climatique, il y a moins de pluies. Dans le Sud on a du souci à se faire. Chez nous aussi, avec le manque de neige, on est plus vite en période de sécheresse. Il y a aussi plus d’orages, ça met de la turbidité dans le réseau. Heureusement, nous avons le lac, qui est une réserve inépuisable pour les prochaines générations. S’il n’y avait que l’Areuse on serait plus limité.

– C’est mieux de boire l’eau du robinet ou en bouteille ?
– Au robinet ! Elle est meilleure et ça évite de transporter les bouteilles, avec un coût bien inférieur.

 

1887 : Tour Eiffel et adduction à La Tchaux !

1887. L’année où la France commence à ériger la tour Eiffel dans le ciel parisien, La Chaux-de-Fonds achève l’ouvrage sous-terrain qui amène l’eau courante dans la cité. Un chantier pharaonique qui a coûté deux millions de francs, trois fois le budget de la commune. C’était l’idée de génie, et un peu folle, de l’ingénieur Guillaume Ritter. L’option lac des Taillères a été abandonnée car l’eau n’était pas assez pure. La solution du Doubs abandonnée aussi à cause de son statut franco-suisse.

Dans la nuit du 8 au 9 novembre 1887, après dix-neuf mois de travaux, l’eau potable arrive en ville. Fraîche et cristalline ! Cinquante ans plus tard, la Sentinelle revient sur l’événement dans son édition du 10 septembre 1937. « Avant cette date mémorable, il fallait se contenter des eaux pluviales recueillies dans d’insuffisantes citernes (…) deux ou trois seaux de mauvaise eau. Les maladies typhiques étaient fréquentes. Et on comprend combien étaient insuffisants les moyens de défense contre l’incendie. » Une réalité qui contrastait avec l’essor et les ambitions de la métropole boostée par l’industrie horlogère dans la seconde moitié du XIXe siècle.

La Grande fontaine sera inaugurée une année plus tard, le 14 octobre 1888, lors d’une grande fête populaire, pour couronner le tout.

 

1887 : la Grande Fontaine fête l’arrivée de l’eau potable à La Chaux-de-Fonds.
Olivier Chuat, chef du service des eaux chez   Viteos : « Il faut boire l’eau du robinet, c’est la meilleure » (PF)
Olivier Chuat, chef du service des eaux chez Viteos : « Il faut boire l’eau du robinet, c’est la meilleure » (PF)

Plus cher au Locle

Au Locle, les histoires d’eau sont très différentes. La ville a sa propre nappe phréatique sous ses pieds. Elle y puise 90 % de ses besoins, les 10 % restants viennent du lac de Neuchâtel. L’eau y est facturée plus cher : 2,65 francs le m3 contre 1,98 franc à La Chaux-de-Fonds. Avec 15 % de pertes, la Mère commune fait mieux que la Métropole horlogère. « De gros investissements ont été réalisés ces dernières années pour l’entretien du réseau », explique Olivier Chuat.

 

L’or bleu au goulot

– Quel est l’intérêt d’une journée mondiale de l’eau ?
– Ça permet de sensibiliser les gens à la valeur de ce bien qu’on appelle l’or bleu. Quand l’eau coule à flot, on ne sait généralement pas d’où elle vient.

– L’eau est un bien comme un autre ?
– Qu’est-ce qui est plus important, l’eau ou les réseaux sociaux ? À mon avis, la réponse coule de source !

– Est-ce qu’on pourrait manquer un jour d’eau potable ?
– Avec le réchauffement climatique, il y a moins de pluies. Dans le Sud on a du souci à se faire. Chez nous aussi, avec le manque de neige, on est plus vite en période de sécheresse. Il y a aussi plus d’orages, ça met de la turbidité dans le réseau. Heureusement, nous avons le lac, qui est une réserve inépuisable pour les prochaines générations. S’il n’y avait que l’Areuse on serait plus limité.

– C’est mieux de boire l’eau du robinet ou en bouteille ?
– Au robinet ! Elle est meilleure et ça évite de transporter les bouteilles, avec un coût bien inférieur.

 

1887 : Tour Eiffel et adduction à La Tchaux !

1887. L’année où la France commence à ériger la tour Eiffel dans le ciel parisien, La Chaux-de-Fonds achève l’ouvrage sous-terrain qui amène l’eau courante dans la cité. Un chantier pharaonique qui a coûté deux millions de francs, trois fois le budget de la commune. C’était l’idée de génie, et un peu folle, de l’ingénieur Guillaume Ritter. L’option lac des Taillères a été abandonnée car l’eau n’était pas assez pure. La solution du Doubs abandonnée aussi à cause de son statut franco-suisse.

Dans la nuit du 8 au 9 novembre 1887, après dix-neuf mois de travaux, l’eau potable arrive en ville. Fraîche et cristalline ! Cinquante ans plus tard, la Sentinelle revient sur l’événement dans son édition du 10 septembre 1937. « Avant cette date mémorable, il fallait se contenter des eaux pluviales recueillies dans d’insuffisantes citernes (…) deux ou trois seaux de mauvaise eau. Les maladies typhiques étaient fréquentes. Et on comprend combien étaient insuffisants les moyens de défense contre l’incendie. » Une réalité qui contrastait avec l’essor et les ambitions de la métropole boostée par l’industrie horlogère dans la seconde moitié du XIXe siècle.

La Grande fontaine sera inaugurée une année plus tard, le 14 octobre 1888, lors d’une grande fête populaire, pour couronner le tout.

 

1887 : la Grande Fontaine fête l’arrivée de l’eau potable à La Chaux-de-Fonds.

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