Les débuts d’après-midi, en semaine, c’est parfait pour le sexe. Je trouve ça tellement rebelle d’imaginer que les autres retournent au travail quand j’en arrive au dessert. Je les imagine qui s’échinent sur leurs claviers, avec l’envie de pioncer surtout. Durant les repas, ils parlent plus qu’ils ne mangent équilibré. Ils ont choisi la cantine la plus proche, la moins chère, là où la patronne les reconnaît. Elle lit leurs billets d’humeur et elle leur en parle quand leur bobine apparaît. Une petite gloire à laquelle on prend vite goût, je l’avoue.
La pause ragots, ils ont du mal à la terminer. Ils se lancent des piques d’un bureau à l’autre, dans l’open space, de longues minutes encore avant de s’y mettre sérieusement. Le plus souvent, c’est le chef qui prend. Il tend le bâton, il faut dire, avec sa gestion tyrannique. Les portes claquent quand il pète un plomb. On ne sait jamais vraiment comment il en arrive là. D’un coup, il explose et les murs tremblent. Pas trop souvent heureusement, mais assez pour que plus personne ne sursaute.
Je n’ai pas tous les jours congé, mais à ce moment-là de la journée, j’ai toujours envie de m’échapper. Je n’arrive pas à m’asseoir, j’erre dans les couloirs, je réfléchis à mon article en cours. Je parle avec n’importe qui. Je connais toute la vie de l’entreprise, de la rédaction à l’imprimerie. Elle est triste à tous les étages. Cette presse que l’on défend bientôt disparaîtra. Dans cette routine-là, elle semble éternelle et si essentielle encore quand on s’emballe autour d’un sujet. Mais de l’imprimeur au journaliste, on le sait. On n’en est plus au dessert. On est déjà baisé.