Peu après la parution de son portrait dans Le Ô, ce formidable peintre s’en est allé. Hommage.
Il était l’un des rares artistes suisses fidèle à la peinture à l’huile. C’est elle – ses composés – qui insidieusement ont entamé les défenses naturelles de sa santé. Il s’en est allé le 25 mars après s’être battu des années durant contre le cancer, ne cessant malgré tout de créer, révélant ainsi que le geste lié à l’imagination transcende le dur chemin de l’existence et l’insoutenable douleur du corps en souffrance – lui qui a si bien exploré sur ses toiles ou sur papier les combats de l’homme.
Né à Soleure en 1961, il avait choisi de vivre à La Chaux-de-Fonds, dans ce Jura austère qui lui convenait, et, disons-le, en adéquation avec sa peinture, même si la nature jurassienne n’apparaît pas dans son œuvre, Blaser étant obsédé par la figure humaine. C’est pourtant dans sa ville natale qu’il a présenté son ultime exposition, son testament artistique, intitulée Le 9ème Livre, venue clore des décennies d’un travail acharné, où l’esthétique ne s’encombrait d’aucun compromis.
Afin d’évoquer pour Le Ô cette manifestation qui restera comme un moment puissant et inoubliable, passé à Soleure dans le décor spartiate de l’ancien Cloître St-Joseph, j’ai téléphoné à Rolf Blaser afin d’obtenir quelques informations et des photos de son travail, ainsi qu’un portrait de lui.
Peu disert, mais attentif à mes questions, il a répondu sobrement, promettant que ma demande serait satisfaite sous peu.
« Je suis heureux
que cet ouvrage
ait été publié »
Après avoir visité l’expo, impressionnée par la puissance de suggestion des oeuvres, je l’ai rappelé pour lui donner la date de parution de l’article que j’espérais fidèle témoin de sa rigueur. Je l’ai remercié pour les photos envoyées et lui ai signifié ma stupéfaction ressentie au Cloître face à cette oeuvre poignante. J’ai ajouté que l’ouvrage paru à cette occasion, Le 9ème Livre, où les 160 gouaches suspendues aux cimaises sont reproduites, permettait de le retrouver en tout temps.
Il m’a répondu : « Je suis heureux que cet ouvrage ait été publié ». Ce sont les derniers mots entendus de la bouche de cet être malade, un artiste habité par la force de la création.
Que ce modeste adieu reflète mon admiration de l’homme et du peintre.
Bernadette Richard