Venons-en à une entêtante question qui me taraude depuis un certain temps : quel impact a sur nous la mort d’une personne proche ou plus lointaine ?
Il peut y avoir la surprise, ou l’info genre : ah bon, il / elle est mort·e ; l’indifférence – on se demande bien plus tard, lors d’une banale conversation, si X et décédé ou non. Il y a les morts qui nous perturbent – tiens, j’aurais dû aller le / la voir avant qu’il / elle disparaisse. Les regrets nous assaillent. Nous y penserons plus tard. Les remords seront là. Mais à quoi bon ? Et que dire des amis, des membres de la famille ? Ici également, c’est un peu comme si la mort installait une hiérarchie. Certains macchabées ne revêtent aucune importance : ah bon, la tante machin est morte ? Paix à ses cendres… Il y a longtemps que nous l’avions oubliée. De même qu’un vieux copain, effacé de l’horizon au fil du temps. Un quidam croisé au hasard des occupations quotidiennes. Sa mort étonne, et nous passons à autre chose. La vie est un rouleau compresseur. Enfin, il y a les morts qui ne seront jamais tout à fait morts : ceux qui obsèdent, auxquels on pense encore et encore, une petite douleur qui ne cesse de nous tourmenter. Leur disparition n’a pas forcément provoqué une crise de larmes. Non, leur mort nous laisse pantois, en expectative, infiniment triste. Nous y pensons dans des moments inattendus. Ces morts-là sont éternels et toujours proches. Le / la disparu·e peut être un ami, un frère, un lointain parent, un VIP – chanteur, artiste, écrivain, scientifique – un voisin, ou même une personne rencontrée dans le cadre du travail, des soins médicaux, d’un voyage. Ce sont les morts pas tout à fait morts, dont jamais nous ne faisons le deuil.
Dernières parutions : La Chambre noire, récit, Favre éd., 2023. Hibakusha – Oppenheimer, le défi des parias, Pièce de théâtre, Le Grand Cargo éd., La CdF, 2024.