Sur le quai, il l’attend, longue silhouette à l’élégance italienne. 11 h 27. Son visage glabre s’éclaire : la voilà ! D’un pas léger, elle s’avance, drapée de féminité exaltée du plaisir des retrouvailles.
Tout remonte à ce trajet en TGV au creux de l’hiver. Le hasard des places leur a offert quatre heures en vis-à-vis. Son regard à lui s’est trouvé happé par ce mélange de raffinement métropolitain et de fille des champs. Elle, elle a aimé la douceur de sa voix aux accents de sérénade.
– Bienvenue tesoro. Faisons una passegiatta.
Main dans la main, ils s’éloignent nimbés d’effluves amoureux. Peu à peu, leurs pas s’harmonisent. La grande avenue semble vide malgré l’air printanier qui invite à la promenade.
– Où sont les gens ? s’étonne-t-elle ingénue.
À la Grande Fontaine, il lui raconte : les sculptures de nymphes dévêtues voulues par le sculpteur ont dû être remplacées par des tortues – clin d’œil au surnom des filles de joie de la rue toute proche.
Elle rit. Il la prend contre lui, respire le parfum de son corps, se laisse glisser dans ses yeux.
Tendrement, il l’emmène vers le Bois du Petit-Château. Leurs pas rencontrent d’autres pas, tout un monde endimanché.
– C’est donc ici que les gens se promènent ?
– Oui, fuyons, lui glisse-t-il malicieux.
Ils courent vers sa tanière. Peu leur importe les loutres ou le coq de Bruyère. Ils volent, atterrissent dans son grand lit qui sent l’homme, les heures langoureuses et le café fort. Ils s’y lovent.
Au petit matin, elle repart. Dans les rues encore sombres, de jeunes mères poussent leur petit dernier vers la crèche, avant l’usine. Elle, elle dormira dans le TGV qui la ramène à son quotidien parisien.