Bagnole, je t’haime…

François Hainard

À la veille du référendum sur la politique de stationnement, réflexion sur le rôle de l’auto aujourd’hui…

À l’aube du résultat de la votation sur le parcage dans notre ville, peut-être convient-il de réfléchir sur le rôle de la voiture aujourd’hui ? Entre libération et aliénation, l’automobile est devenue un objet politique et peine à trouver une place pour davantage d’intelligence ! À l’image du chien qui aboie sans raison, c’est le propriétaire de l’animal qui est responsable des nuisances. Il en est de même pour la voiture : c’est bien l’usager, et non la technique, qui est à l’origine des problèmes qu’elle génère.

Si l’invention reste fabuleuse (Barthes en 1957 comparait la Citroën DS à une cathédrale !) et ses avantages indiscutables, ce sont ses utilisations et ses effets non appropriés qui déterminent les maux dont on l’accuse à juste titre : pollutions péjorant la qualité de l’air et du climat, nuisances phoniques, embouteillages, investissements infrastructurels superfétatoires, destruction de l’environnement naturel, accidents, manque de civilités… Liste non exhaustive !

Le recours à l’énergie électrique est présenté comme une solution au bruit, à la dégradation climatique et à la pollution. Une analyse démontre pourtant qu’il reporte une bonne part des nuisances trop souvent dramatiques chez les populations du Sud directement concernées par l’extraction minière. Et pour ce qui est du recyclage des batteries, celui-ci est peu performant et encore peu valorisé pour un autre usage.

Si la pendularité apparaît comme une des principales explications des usages et donc des nuisances, elle demeurera tant que l’offre des transports publics ne correspondra pas aux attentes. Le covoiturage fonctionne très mal car le véhicule constitue une bulle privée. Les sociologues constatent qu’avec l’automobile on se retrouve dans le monde des émotions et de l’affect : elle fonctionne comme une prolongation de soi-même.

Se permettre de la toucher ou d’y faire entrer une personne extérieure peut être perçu comme une atteinte à sa propre intimité… À cela s’ajoute une dimension ostentatoire difficile à partager : la voiture est non seulement le reflet de son appartenance de classe et donc de distinction sociale, révélatrices de son revenu ou de sa richesse, ou sert à les laisser supposer. Certes le recours au leasing a modifié en tout l’information et participé à la mystification du vrai statut social de l’usager.

Pour certains spécialistes des mobilités urbaines, l’auto est remplaçable… sauf la nuit (pas de moyens collectifs), sauf si on transporte des charges lourdes, sauf si on accompagne des personnes handicapées, ou sauf si le trajet en transports publics est plus long qu’en voiture, sous peine de désertification des régions périphériques et des campagnes.

C’est donc une coexistence rationnelle des moyens de déplacements qui est en jeu. À l’intérieur d’une cité, la priorité devrait revenir aux déplacements à pied et à vélo, éventuellement en scooter électrique. Les villes de taille moyenne, comme la nôtre, sont à ce titre des lieux exemplaires, puisque presque toutes les commodités ou services sont atteignables en quinze minutes en mobilité douce. Cette proximité est un luxe de qualité de vie trop ignoré, mal partagé, peu valorisé et donc insuffisamment pratiqué.

Quelle que soit dimanche l’issue du vote, nous devrions apprendre à en profiter.

Pour approfondir : R. Barthes, Mythologies, 1957, Le Seuil et G. Dupuy, La Dépendance automobile, Anthropos, 1999.

François HAINARD – sociologue, écrivain.
La Chaux-de-Fonds, le 26 mai 2020
François HAINARD – sociologue, écrivain. La Chaux-de-Fonds, le 26 mai 2020

Découvrez nos autres articles

L’ascension fulgurante de la verte Ilinka Guyot Depuis le 27 juin, Ilinka Guyot occupe les fonctions de cheffe du dicastère de la jeunesse, des
Réalisée grâce au travail d’un collectif provenant de bénéficiaires de l’aide sociale, l’œuvre vient d’être présentée à un public venu en nombre dans l’atelier