Après trente ans de carrière, l’ophtalmologue chaux-de-fonnier prend sa retraite. Interview
Chaux-de-Fonnier de souche, Jean-Jacques Tritten est revenu dans sa ville natale après ses études, et dix-huit ans vécus loin de sa ville natale. Études de médecin à Lausanne, puis spécialisation en ophtalmologie et ophtalmo-chirurgie, toujours à Lausanne. Ensuite, une année à Boston où un centre pratiquait le même traitement des tumeurs oculaires qu’à Lausanne. « Enfin, j’ai pratiqué un an au Tchad, mais comme généraliste parce qu’en Afrique un médecin fait tout et que ça m’intéressait. Je suis revenu à 38 ans comme chef de service à l’hôpital de La Chaux-de-Fonds qui m’avait sollicité. En 1994, on y offrait une ophtalmologie de niveau universitaire. On y opérait des urgences, comme les décollements de rétine. Aujourd’hui ce ne serait plus possible, ma discipline comme d’autres est devenue hyperspécialisée. »
– Vous avez pratiqué ici trente ans. À l’hôpital, puis…
– Onze ans à l’hôpital et dix-neuf ans en cabinet privé, en collaboration d’abord avec la clinique Montbrillant, puis celle de la Tour, devenue la clinique Volta.
– Y a-t-il assez d’ophtalmologues à La Chaux-de-Fonds, où un centre vient d’ouvrir ?
– En fait, les ophtalmologues locataires de l’hôpital se sont installés dans ce nouveau Centre neuchâtelois d’ophtalmologie. L’hôpital avait besoin de place et eux aussi. Oui, on commence à avoir assez d’ophtalmologues dans le canton, sept ici, treize ou quatorze à Neuchâtel, sans compter les deux CNO. Mais il y a beaucoup de travail, avec une population vieillissante, la prévention dans les écoles et le fait que nombre de médecins ne travaillent plus à 100 %.
– En quoi avez-vous été pionnier ?
– Mes efforts ont porté sur les investigations de fond et la chirurgie des voies lacrymales, en collaboration avec les ORL de l’hôpital. J’ai beaucoup travaillé sur les troubles de l’acquisition du langage chez les enfants, en lien avec la vision. On sait depuis pas mal d’années qu’un gosse dyslexique présente au départ un dysfonctionnement des yeux. Dans mon cabinet, nous nous sommes équipés en pionniers dans la région d’un « eye tracker », qui mesure et quantifie les mouvements oculaires, les saccades de l’œil, lors de la lecture. On peut proposer des traitements par des exercices ciblés avec l’orthoptiste. On s’est aussi préoccupé de l’importance de la posture du corps, altérée chez les enfants en difficultés. Les yeux sont une des trois entrées principales du système postural, avec l’oreille interne et la plante des pieds. Mon cabinet a encore innové dans le dépistage du syndrome d’Irlen, un syndrome de stress dû à l’éblouissement qui pourrait toucher jusqu’à 10 % de la population. Grâce à des filtres colorés, on normalise les mouvements oculaires, avec comme effet un apaisement général de la personne.
– Et vos missions humanitaires en Afrique. Racontez !
– Au fil d’une quarantaine de séjours, au Maroc, en Érythrée et au Tchad. Avec l’équipe de l’hôpital au début, puis avec l’association Espoir et Partage basée à Corcelles, nous avons créé deux services d’ophtalmologie au Tchad et en Érythrée, qui fonctionnent bien. On opérait chaque jour jusqu’à vingt aveugles à cause de la cataracte. Le pays est si grand que j’ai vu des gens qui faute de moyens faisaient deux semaines pour venir nous voir, à pied, pour l’un guidé par sa mère. Grâce à cette opération banale, ils retrouvaient la vue comme par enchantement. Les besoins sont énormes. Au Tchad il doit y avoir 500 000 aveugles faute de soins sur une population de 14 millions.
– Que diriez-vous à ceux et celles qui ici craignent une opération de la cataracte ?
– Que les capacités techniques sont optimales. Les microscopes utilisés ici sont des Rolls comparé avec les 2CV qu’on avait il y a trente ans !
– Votre cabinet restera-t-il ouvert ?
– Oui, sous le nom de Centre ophtalmologique du Pod, dirigé par ma collègue Amira Kasri.
– Qu’allez-vous faire de votre retraite ?
– Pratiquer tous mes hobbies et ils sont variés. Le vélo, toujours sympa, mes tortues, une vieille passion. Et puis j’ai des moutons, des moutons de Ouessant. J’en ai onze maintenant, dont Clochette qui me suit partout et trois agneaux nés ce printemps. À part ça je vais continuer de faire des balades, de la photo, du chant et… un peu de politique chez les Verts ! (Jean-Jacques Tritten siège au Conseil général).