Journaliste suisse diplômée en relations internationales et en sciences politiques, lauréate de nombreux prix prestigieux, dont le Swiss Press Award 2023, Maurine Mercier est une journaliste de guerre qui force l’admiration, par son courage et son souci d’informer au plus juste, dans le vrai et surtout dans le quotidien vécu. La vie de tous les jours, c’est sa spécialité. Correspondante en Lybie, à Syrte, en Tunisie, pour la RTS entre autres, elle nous alerte sur ce qui se passe en Ukraine. Elle raconte les peines, les tristesses, le sang mais aussi la résistance, l’abnégation, le courage et la vie. Elle se livre pour Le Ô.
– Comment survivent les aînées ukrainiennes ?
– Par leurs propres moyens, avec de très petites pensions, par leur potager qu’elles cultivent, seules, lorsqu’elles vivent à la campagne. Elles survivent par leur courage. Je me souviens de plein de babouchkas dans des villages bombardés. Parce que les militaires ukrainiens doivent y trouver abri près du front, leurs villages deviennent donc la cible des tirs russes et les populations civiles y sont très exposées. Souvent ces babouchkas refusent de quitter leur maison. Elles s’y accrochent parce que c’est leur unique bien. Parfois, elles cuisinent pour les militaires qui leur amènent de la nourriture. Cette entraide de nouvelle cohabitation, on la retrouve très souvent.
– Comment compensent-elles l’absence des hommes mobilisés ?
– Elles vous diront : « Nous n’avons pas le choix ! Alors nous nous débrouillons. » Elles gèrent seules leurs enfants et comme lors de la Seconde Guerre mondiale, elles prennent en plus la place des hommes dans les industries. On les retrouve jusque dans les fabriques de munitions, à manipuler des obus très lourds, à prendre en charge des travaux très physiques et éprouvants. Elles sont essentielles à l’économie de guerre.
– Comment la population vous perçoit-elle ?
– La population civile est reconnaissante. On me dit très souvent : « Tu prends des risques pour témoigner de la guerre que l’on subit, merci !» Il y a une grande reconnaissance parce que les Ukrainiens savent combien l’intérêt pour cette guerre diminue. Ils ont d’autant plus de gratitude qu’ils savent les risques physiques et psychologiques à couvrir des guerres sur la durée.
– Les plus grandes difficultés que vous rencontrez en Ukraine ?
– Cette guerre est d’une violence inédite. Un déferlement d’artillerie, missiles, drones, aviation, combats au sol, etc. L’armée russe est l’une des plus puissantes au monde. Cette guerre est difficile parce que pour l’heure on ne perçoit pas de signaux d’espoirs de paix. Parmi les difficultés il y a aussi l’impossibilité d’obtenir l’autorisation des Russes de me rendre dans les territoires occupés. Mes demandes – depuis plus de deux ans – restent sans réponse. J’avais pu couvrir la guerre côté russe, à ses débuts, en 2014.
– Comment arrivez-vous à rendre compte de toutes les souffrances auxquelles vous assistez ?
– Par le travail de terrain. En vivant dans le pays, on est par définition immergé dans la vie des gens. Je m’imprègne de ces réalités pour tenter ensuite de les raconter. La durée et le temps permettent de me plonger dans les complexités et les zones grises, sans oublier les moments de bonheur et de vie. À la guerre, la vie est aussi très présente, avec une intensité qu’il faut savoir relater.
Conférence au Club 44, 2 juillet, 20 h 15. www.club-44.ch