L’Allemagne à l’épreuve de ses vieux démons

Par Olivier Kohler

Et si l’Allemagne renouait avec ses vieux démons ? Si le triomphe du parti Alternative für Deutschland (AfD) en Thuringe et en Saxe était attendu – sans doute aussi accentué par l’attentat de Solingen – il surprend par son ampleur inédite et sa portée historique.

C’est la première fois qu’un parti d’extrême droite remporte un scrutin régional en Allemagne. Sa progression fulgurante provoque un séisme politique. Elle traduit un malaise profond et le déclin du fameux modèle allemand fragilisé par la guerre en Ukraine et les difficultés de l’ère post Merkel.

« Mon inquiétude vient du fait que l’Allemagne se croit être bien mieux portante qu’elle ne l’est en réalité. Sur beaucoup de plans (…) c’est un pays qui stagne et qui va mal », constate Gilbert Casasus, politologue et observateur attentif.

Ce scrutin constitue un avant-goût amer des législatives de 2025. La coalition tricolore d’Olaf Scholz en ressort très affaiblie. Dans ces deux Länder, elle n’a parfois pas même atteint le score de 5 %, quorum indispensable pour entrer au parlement. Une humiliation. Un scrutin marqué aussi par la montée en puissance de la gauche nationaliste qui a su cultiver la nostalgie de la RDA  capitalisant habilement – trente ans après la réunification – sur ce sentiment de « patrie volée ».

Illusoire et réducteur que de considérer cette poussée de l’extrême droite comme un phénomène spécifique à l’ex-Allemagne de l’Est, terroir fertile du malaise allemand. L’AfD connaît une progression dans tous les Länder, y compris à l’Ouest. Le parti séduit de plus en plus de jeunes, cristallise l’opinion allemande et s’affranchit sans complexe des vieux démons du passé. Beaucoup le redoutent désormais : un nouveau mur pourrait bientôt tomber en Allemagne.

 

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