Massimiliano Argilli a écumé les terrains suisses de la troisième ligue à la première division. Il pense continuer encore deux ans. Même si les choses ont beaucoup changé.
Quarante ans d’arbitrage ! Oui, Massimiliano Argilli vient d’être décoré par l’ANF (association neuchâteloise de football) pour avoir joué du sifflet pendant quarante ans. Le secret de cette longévité ? La pédagogie, sourit-il. « Il ne faut pas arbitrer en distribuant carton sur carton, ça n’amène rien. Avec mon expérience, je préfère dire au gars : « viens ici, t’as été assez loin, le joker est brûlé. La prochaine fois tu sais qu’est ce qui se passe. » Et là, ils comprennent tout de suite, c’est pour ça que ça fait des années que je n’ai plus de problèmes. »
Cette diplomatie ne suffit pas à elle seule. Ce travail requiert beaucoup d’aptitudes. Il faut avoir un physique suffisant pour courir 90 minutes en restant lucide, disposer d’un bon « feeling », et… « avoir de la chance ! », admet l’homme en noir. Le résultat idéal ? « Quand les joueurs ne se préoccupent pas de l’arbitrage, c’est qu’on siffle juste ! »
Parcours et faits de jeu
Arrivé dans La Métropole horlogère à l’âge de 16 ans, ce Chaux-de-Fonnier d’adoption a joué au football pendant cinq ans au FC Étoile-Sporting avant d’enfiler l’habit noir qui ne va pas le quitter. C’est un heureux concours de circonstances qui a amené le Stellien à cette fonction délicate. « Une fois, un copain à mon papa est venu vers moi un samedi après-midi sur une terrasse. Il m’a dit : « tu ne voudrais pas faire arbitre ? » J’ai répondu pourquoi pas ! Du coup, il m’a inscrit à la formation sans rien me demander et après je me suis pris au jeu. »
Après avoir dirigé son premier match de Juniors D au FC Ticino, l’Italien d’origine va grimper les échelons jusqu’à arbitrer en première division suisse ! Pendant ces années-là, il va siffler plusieurs matches avec des joueurs très prestigieux dont deux finalistes malheureux de la coupe du monde. Le premier se nomme Roberto Di Matteo, qui a évolué à Aarau avant d’être transféré à Chelsea. Le deuxième est Allemand et s’appelle Ulrich Stielike. Le grand « Ueli » qui a joué pour Neuchâtel Xamax à l’époque de Gilbert Facchinetti et surtout pour le Real Madrid.
L’arbitre de 61 ans a dirigé quatre fois Pierre-Albert Chapuisat (le père de Stéphane Chapuisat). Ces quatre rencontres ont un goût salé pour l’ancien joueur du FC Lausanne-Sport : « À chaque rencontre, il a pris 100 francs d’amende avec moi. C’était un fou, il venait nous insulter au vestiaire, même une fois qu’il avait gagné, ah c’était vraiment un fou. » Un de ses plus beaux souvenirs : le duel pour la promotion en 1ère ligue entre le FC Central Fribourg et Stade Lausanne-Ouchy devant 4000 spectateurs dont 50 Chaux-de-Fonniers venus spécialement pour voir… l’homme en noir. L’équipe vaudoise coachée par le mythique Richard Dürr a été victorieuse ce jour-là. « À chaque fois que j’arbitrais l’équipe de Dürr , ce dernier me glissait un mot. Et quand quelque chose n’allait pas, il me disait toujours : « Hé, Argilli ! On est montés ensemble, mais on redescendra ensemble ! » (rires). Il était très bonnard. »
« L’arbitrage a changé »
En quarante ans, « le football, il a changé » pour reprendre le célèbre adage de Kylian Mbappé. L’arbitrage aussi. Récemment, une règle très importante a été instaurée, salue Argilli. « Seul le capitaine peut désormais discuter avec l’arbitre. Ça, c’est la plus belle chose qu’ils aient pu faire. Parce que, quand il y a un doute, une action douteuse, il y a but, pas but, tous les joueurs venaient réclamer. Maintenant, celui qui arrive à moins de 3-4 mètres est averti ! On doit lui dire stop et s’il avance, c’est carton. »
Ces mesures deviennent nécessaires alors que les candidats se font rares au niveau amateur. La pandémie de Covid a aggravé cette tendance, et le comportement des footballeurs et des supporters, souvent agressifs, n’améliore guère la pénurie (lire encadré). Ce qui est paradoxal, c’est que si le canton forme suffisamment d’hommes en noir, peu persévèrent : « Chez les juniors D, il y a toujours les parents. Ce sont eux les plus ch… Quand tu as des arbitres de 15-16 ans qui commencent là, ils sont vite découragés, c’est pour ça qu’on a de la peine à recruter des arbitres. »
Au haut niveau, c’est une autre histoire, le canton brille avec Lionel Tschudi, Guillaume Maire et Bastien Lengacher qui officient tous en Super League. Le deuxième a été observé et jaugé par Massimiliano Argilli qui est aussi inspecteur, depuis trente et un ans, des arbitres qui débutent. Et le Stellien ne compte pas arrêter de sitôt. « Tant que j’aurai la santé, que je peux encore courir en restant lucide, je continue. Pour l’instant je ne me pose pas trop la question d’arrêter, je me dis encore deux ans, deux ans et demi. »
Cigarette allumée sur le maillot
Massimiliano Argilli a bien sûr vécu des anecdotes plus ou moins… chaudes. Il nous en raconte une qui montre qu’il n’est pas du genre à se laisser faire : « En deuxième ligue, lors d’un de mes seuls matches dans cette catégorie où j’ai peu exercé, j’ai subi un incident à la sortie du terrain. Un vieux spectateur de cette rencontre à Échallens m’a mis sa cigarette allumée dans le t-shirt ! Moi, comme j’avais des chaussures de foot, avec des crampons en fer, je lui ai donné un coup de pied sur le genou. Je pense que sa jambe était cassée. Là, c’était clair, donnant-donnant. La police est venue, appelée par les supporters de l’autre équipe… »
