En grandes dames, elles vêtent sobrement leurs corps fermes et ornent leurs cous de somptueux bijoux. C’est la changeante lumière du soleil qui confectionne leurs robes. En guise de diadèmes ou de colliers, elles portent les nuages accrochés à leurs cimes. Ces grandes dames ce sont les Alpes, majestueuses, grandioses, presque arrogantes. J’ai eu le bonheur de passer quelques semaines sur l’un de leurs flancs. En affrontant les roches tranchantes, les pentes escarpées et leur imposante beauté, j’ai senti les dangers de leur orgueilleuse puissance. Un pays où règnent des dieux qui mènent des luttes féroces pour remporter des trophées dont nous, humains, ne soupçonnons pas la nature.
J’ai aimé cette contrée qui impose l’admiration et le respect. Toutefois, lorsque j’ai dit à de fiers autochtones que je viens aussi d’un pays de montagnes, ils ont ri : « Le canton de Neuchâtel ? Là où la terre est bosselée de quelques minuscules collines ? » Ils ont raison ces moqueurs alpestres. Vues par leurs yeux, mes montagnes ressemblent à des taupinières. Mais qu’il m’ensorcelle le massif du Jura ! En particulier mon petit périmètre, quand à ses pieds le lac reflète toutes les couleurs du ciel, de l’anthracite le plus sombre au bleu le plus azuré. Les rondeurs, couvertes de vignes ou de forêts, exaltent le regard en toute saison, et le parfum de son humus ravive les humeurs les plus chagrines. Sur les parois rocheuses de son amphithéâtre s’amusent les bouquetins. Sur les hauteurs, en hiver, les sapins tendent les bras à la neige pour blanchir ses verts reliefs. Dans les brumes de ses bois, se cachent les elfes et, lorsqu’on entend un bruit de feuilles froissées, c’est qu’une vouivre se désaltère à une rivière. Les dieux se cachent dans les Alpes, mais le massif du Jura abrite le mystère, les secrets de la magie et le royaume des fées.
Caravelles du Seyon, éd. Alphil, juin 2024.
Le Gouffre du Cafard, éd. BSN Press, et Le baiser d’Anubia, éd. Torticolis et Frères, 2023.
