Yves Robert a créé René Gori et le joue sur scène

Par Camille Cerval

Quand René Gori prend les traits d’un doux dingue amoureux, avec Blaise Froidevaux en lampadaire ou en samovar, le public s’amuse.

Vous n’avez sans doute jamais croisé un samovar lecteur du Monde diplomatique, ni un lampadaire philosophe, encore moins un scarabée extensible.

Au Grand Cargo, on met les petits plats – un œuf qui brûle dans sa minuscule poêle – dans les grands désordres des classeurs pleins de vide, et quel vide : les recherches de René Gori dans des domaines aussi éclectiques que le « Traité sur les effets anxiogènes du gypaète barbu », « Le comportement erratique des samovars selon la densité du calcaire » et autres investigations concernant « Les facultés pluviométriques des girafes anti-cycloniques ». Se pose alors la question : qui est vraiment René Gori ? Après avoir participé assidument à la rubrique Porte-Plume, en dernière page du Ô, Gori invite le public dans sa tanière, qu’il partage avec Gustave le samovar, polyglotte, mais ne parlant pas l’anglais, puisqu’il s’entête à prononcer « tri » le « three » British.

Dans son antre, outre les dizaines de classeurs, le portrait d’un petit singe mort de la grippe espagnole. Le public change de dimension. Il flirte avec l’inconcevable, le surréalisme, la poésie, peut-être la folie. Et surtout avec l’imaginaire débridé d’Yves Robert, dramaturge d’ordinaire plus « classique », nous ne dirons pas «sérieux », Gori étant scrupuleux à l’extrême au plus fort de son délire. Yves Robert accueille le public comme une famille – la table est dressée pour de joyeuses agapes post-spectacle. Il est l’homme-orchestre de la situation, l’artisan, l’interprète. Une race en voie de disparition. Et en l’occurrence, il revêt le costume grotesque de René. Face à ses commentaires décalés – Gori est amoureux d’un fille probablement imaginaire –, Blaise Froidevaux est excellent en lampadaire et en samovar, le pendant pragmatique de l’amoureux.

Pour créer ces ustensiles du quotidien, le comédien estime « extrêmement jouissif d’essayer d’incarner un objet sorti de la pensée de quelqu’un, où tout était à inventer. Je n’avais pas de limites ! »

Ce duo improbable, qui évolue dans un Utrecht aux confins du monde réel, se révèle émouvant et drôle. Le décor sobre, hormis la tenue de René Gori, la musique militaire pour saluer le petit singe et Elvis Presley qui joue sa partition météorologique, contribuent à insuffler à cette folle épopée en chambre un air de comédie de boulevard, où la mélancolie l’emporte sur le rire. Une rêverie dans un monde bientôt dominé par l’I.A.

→ René Gori ou l’amour derrière les clapotis, atelier Grand Cargo, Cornes-Morel 13, jusqu’au 10 novembre.

Infos : www.cargo15.ch

Yves Robert joue son René Gori et Blaise Froidevaux, ce samovar ! (photo dr)
Yves Robert joue son René Gori et Blaise Froidevaux, ce samovar ! (photo dr)

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