Violemment pris à partie par des sinistrés, la monarchie et le pouvoir espagnol à l’épreuve de la tragédie de Valence.
Épicentre des pluies torrentielles de mardi, la cité de Paiporta. Banlieue ouvrière, totalement sinistrée et distante d’à peine cinq kilomètres de Valence, miraculeusement préservée par les eaux en furie. C’est ici dans la ceinture rouge accolée à ce bastion bourgeois et conservateur que l’on dénombre le plus de victimes et que s’est joué samedi un épisode sans doute inédit dans l’histoire de la monarchie espagnole. Venus apporter compassion et réconfort aux sinistrés, le couple royal a été accueilli par des jets de boue et aux cris d’assassins. Accusés d’indécence et d’incurie, Felipe et Letizia ont bravé la foule. La Reine Letizia, le visage maculé de boue et les yeux embués de larmes, se fait violemment conspuer : « Tu ne manques de rien toi, tu as accès à tout, à l’eau et à la nourriture… » Un autre invective le Roi : « Mec, regarde, il y a des morts là-bas. »
Pedro Sanchez, le Premier ministre espagnol, a été exfiltré dans son véhicule blindé. Le rugissement de Paiporta fait vaciller la monarchie et le pouvoir espagnol. L’opinion pointe les failles du dispositif de prévention. Pourquoi ne pas avoir alerté la population plus tôt ? Un système d’alerte par SMS existe bel et bien, mais il n’a été actionné qu’à 20 h, alors que la ville était déjà plongée en plein chaos et que des habitants assistaient impuissants à des scènes terrifiantes. Carlos Mazón, le gouverneur de la province de Valence, est particulièrement critiqué. Alors que l’agence météorologique espagnole avait prévenu du risque de l’arrivée d’une « goutte froide » et évoquait un risque extrême, il s’était montré très rassurant lors d’un point presse tenu dans la journée.
Chacun garde en mémoire la catastrophe du 23 juillet 2023 et la difficulté à prévoir ce type de phénomène météo extrême survenant avec fulgurance. L’épisode dramatique de Valence rappelle la vulnérabilité des autorités face à ce type de catastrophe, conséquence de plus en plus visible et impressionnante du réchauffement climatique. L’Espagne est l’un des pays européens les plus affectés par cette onde de choc systémique : désertification des terres, feux de forêts dévastateurs et urbanisation excessive du territoire. « L’eau, au lieu d’arriver dans les champs, dévale des routes lisses et prend de la vitesse avec un débit impressionnant, balayant tout sur son passage », analyse le météorologue Gaël Musquet.
La France et l’ensemble des pays méditerranéens ne sont pas à l’abri de tels phénomènes. Michel Barnier a placé la gestion de ce type de risque au cœur de son dernier conseil des ministres. Observatoire mondial du climat, le Word Weather Attribution estime que le dérèglement climatique d’origine humaine a augmenté les précipitations de 12% en un an et a doublé la probabilité de voir apparaître sur le littoral le phénomène Dana (Depresion Aislada en Niveles Alto), soit une dépression isolée en haute altitude. Cette confluence de masses d’air froid avec des vents chauds, conjuguée aux températures anormalement élevées observées l’été dernier en Méditerranée, accélère la probabilité d’assister à de nouvelles catastrophes en Europe et dans le monde.