L’hôpital est un ogre énergétique

Par Patrick Fischer

Durabilité et chasse au gaspi tous azimuts sur les sites du réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe)

Le réseau hospitalier neuchâtelois est un paquebot en terme énergétique. À lui seul il consomme autant d’électricité que 2000 foyers de 4 personnes. La hausse des tarifs lui a coûté plus d’un million de francs. Comme gros consommateur, le RHNe dispose d’un bras de levier important. Chaque action vaut son pesant d’économie, que ça soit le remplacement d’un vieux scanner ou des ampoules par des leds, les travaux d’isolation ou la pose de panneaux solaires. Le développement durable est devenu un axe straté­gique de l’hôpital, qui dépasse la seule question énergétique. Elle englobe toute la pro­blé­matique économique, sociale et environnementale. État des lieux pour Le Ô avec Jérôme Kübler, le directeur logistique de RHNe.

– Être un gros consommateur implique-t-il une responsabilité particulière ?
– Comme gros consommateur, nous avons une obligation légale d’améliorer notre efficacité énergétique. Nous sommes engagés dans un programme de l’Agence de l’énergie pour l’économie (AEnEC). Depuis 2018, nous faisons chaque année un monitoring de notre consommation d’électricité, d’eau et de gaz.

– Résultat ?
– On consomme moins pour les mêmes prestations, mais celles-ci augmentent ! Les mesures prises depuis 2018 nous ont permis de maintenir une consommation électrique stable, autour des 10 millions de KWh, malgré l’acquisition de nouveaux appareils, IRM et scanners entre autres.

– Quels sont les secteurs les plus gourmands en énergie ?
– L’imagerie médicale justement. Elle consomme entre 7 et 8 % de l’électricité d’un hôpital. Vient ensuite la ventilation des salles blanches, des blocs opératoires, de la stérilisation. Il y a aussi tout l’appareillage technique du bâtiment, et l’informatique.

-Où sont les potentiels d’économie d’énergie ?
– À chaque fois qu’on change une installation comme les circulateurs de chauffage ou qu’on remplace l’éclairage par des leds. Ca a l’air de rien mais ce sont des appareils qui fonctionnement 24 h sur 24. Le renouvellement des scanners est profitable aussi, les appareils de nouvelle génération consomment jusqu’à 40 % de moins. Un réglage optimal permet encore de gagner 13 %.

– Avez-vous baissé le chauffage ?
– On n’a pas baissé le chauffage, mais à La Chaux-de-Fonds, on a changé les fenêtres. Elles dataient des années 1960 et 1980. Il faut savoir que le confort est énergivore. 1°C de plus, c’est 6 à 7 % de consommation supplémentaire.

– Le chauffage à distance ?
– Chantier très important. On sera raccordé à la fin de l’année.

– D’autres mesures ?
– Elles concernent la production de froid. La plupart des appareils dégagent de la chaleur qu’on doit récupérer et dissiper. à La Chaux-de-Fonds, on a remplacé les vieux compresseurs, très énergivores, par un système d’aérorefroidisseurs posés sur le toit. Cette nouvelle installation nous permet d’économiser l’équivalent de la consommation de 180 foyers par année.

– Qu’appelez-vous le « free cooling » ?
– Ça veut dire du refroidissement gratuit ! On profite de l’atmosphère plus froide à La Chaux-de-Fonds. à Pourtalès on refroidit avec l’eau du lac.

– Vous avez aussi des panneaux solaires…
– On les a posés en toiture sur les sites de La Chaux-de-Fonds, Landeyeux et Pourtalès. La production de ces 3 centrales solaires est estimée à 650 000 KWh par année, soit une économie d’environ 120 000 francs. Et, bien sûr, une plus grande autonomie.

– Quel impact de la hausse de l’énergie sur votre budget ?
– Énorme, plus d’un million de francs ! D’une année à l’autre, la facture d’électricité a doublé, dépassant les 2 millions. Comme on achète sur le marché libre, la situation s’est un peu détendue. Cette année, la facture devrait s’élever à 1,7 million.

– Combien RHNe a-t-il investi pour toutes ces mesures d’économies ?
– Les centrales solaires c’est un investissement de 1,2 million. Le nouveau système de production de froid environ 2,5 millions. Mais il y aura des subventions en retour et ils seront amortis en quatre ans pour le solaire et dix ans pour le froid.

-Quid du bilan CO2 ?
– On est en train de l’établir. Parmi les émissions directes il y a celles liées au chauffage et au transport, mais aussi les gaz d’anesthésie ! On en émet peu en comparaison du CO2, mais ils possèdent un potentiel de réchauffement 4 à 5000 fois plus élevé que le CO2.

– Et pour l’empreinte carbone ?
– À La Chaux-de-Fonds, le raccordement au chauffage à distance va passablement diminuer les émissions. On travaille sur un plan de mobilité pour diminuer le nombre de véhicules en circulation entre les différents sites, avec la possibilité de mettre en service des navettes. Concernant les émissions indirectes, nous sommes attentifs à tout ce qu’on achète, notamment les conditions de fabrication et de transport. RHNe fait partie de la centrale d’achat d’ingénierie biomédicale, qui regroupe la plupart des hôpitaux publics romands. Cela nous donne du poids pour imposer des critères de durabilité dans nos achats.

– Reste-t-il un gros potentiel ?
– C’est sûr. Avec 150 000 m2 de surface de bâtiments, chaque détail compte. Nous remplaçons constamment des lampes, circulateurs, tableaux électriques qui datent de Mathusalem…Les objectifs de RHNe pour 2028 sont une amélioration de 11 % de l’efficience énergétique et de 9 % de l’intensité CO2.

– La question énergétique, une priorité ?
– C’est un des axes stratégiques de l’hôpital. La santé représente 5 % des émissions mondiales de CO2, plus que l’aviation et la marine réunies. Nos émissions ont un impact sur l’environnement qui, lui, a un impact sanitaire sur nos patients. On y est donc particulièrement sensibles.

« Je rêve d’un hôpital 100 % autonome »

– Vous êtes directeur logistique depuis 4 ans, c’est quoi votre job ?
– Je suis responsable d’une partie de l’exploitation, cuisine et restauration, hébergement et intendance. On est le plus grand restaurant du canton ! On gère aussi les stocks et tous les achats, la maintenance technique du bâtiment et le service des constructions. C’est un budget d’environ 80 millions.

– Votre formation ?
– Ingénieur en génie de l’environnement de l’EPFL.

– Quels changements d’ici 2050 sur le plan énergétique ?
– Mon rêve serait qu’on soit 100 % autonome ou en tous cas 100 % renouvelable, qu’on produise toute l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’hôpital. C’est possible car il y a beaucoup de technologies qu’on n’a pas encore utilisées.

– Lesquelles ?
– Les piles à combustible, l’hydrogène, le stockage de ce qu’on fabrique la journée pour l’utiliser la nuit.

– Le réchauffement climatique vous inquiète ?
– Évidemment. Le défi auquel nous sommes confrontés c’est qu’il fait toujours plus chaud dans nos bâtiments. Ça pose un problème à nos patients. La loi nous autorise à utiliser l’air conditionné seulement si l’énergie provient de sources renouvelables. Grâce à l’installation de panneaux solaires, on va enfin pouvoir refroidir nos bâtiments. Mais typiquement, pour la construction du prochain hôpital, il faudra tenir compte d’une architecture climatique, ce qui n’avait pas été fait jusqu’ici car ce n’était pas une priorité.

– Votre geste quotidien pour la planète ?
– Je viens à pied au boulot, j’éteins mon ordinateur en partant, je bois de l’eau du robinet, j’achète de la deuxième main.

Jérôme Kübler, directeur logistique
de RHNe : « La santé représente 5 %
des émissions mondiales de CO2, plus que l’aviation et la marine réunies. » (pf)

RHNe en chiffres :

Budget 2024
430 mios
Déficit prévu 14 millions

Nombre d’hospitalisations
19 839

Urgences
146 par jour

Naissances
1174

Nombre de collaborateurs
3328

 

 

La centrale solaire installée sur le bâtiment chaux-de-fonnier permettra de produire 300 000 KWh par an, ce qui représente une économie de 55 000 francs. (Photos RHNe)
La centrale solaire installée sur le bâtiment chaux-de-fonnier permettra de produire 300 000 KWh par an, ce qui représente une économie de 55 000 francs. (Photos RHNe)

« Je rêve d’un hôpital 100 % autonome »

– Vous êtes directeur logistique depuis 4 ans, c’est quoi votre job ?
– Je suis responsable d’une partie de l’exploitation, cuisine et restauration, hébergement et intendance. On est le plus grand restaurant du canton ! On gère aussi les stocks et tous les achats, la maintenance technique du bâtiment et le service des constructions. C’est un budget d’environ 80 millions.

– Votre formation ?
– Ingénieur en génie de l’environnement de l’EPFL.

– Quels changements d’ici 2050 sur le plan énergétique ?
– Mon rêve serait qu’on soit 100 % autonome ou en tous cas 100 % renouvelable, qu’on produise toute l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’hôpital. C’est possible car il y a beaucoup de technologies qu’on n’a pas encore utilisées.

– Lesquelles ?
– Les piles à combustible, l’hydrogène, le stockage de ce qu’on fabrique la journée pour l’utiliser la nuit.

– Le réchauffement climatique vous inquiète ?
– Évidemment. Le défi auquel nous sommes confrontés c’est qu’il fait toujours plus chaud dans nos bâtiments. Ça pose un problème à nos patients. La loi nous autorise à utiliser l’air conditionné seulement si l’énergie provient de sources renouvelables. Grâce à l’installation de panneaux solaires, on va enfin pouvoir refroidir nos bâtiments. Mais typiquement, pour la construction du prochain hôpital, il faudra tenir compte d’une architecture climatique, ce qui n’avait pas été fait jusqu’ici car ce n’était pas une priorité.

– Votre geste quotidien pour la planète ?
– Je viens à pied au boulot, j’éteins mon ordinateur en partant, je bois de l’eau du robinet, j’achète de la deuxième main.

Jérôme Kübler, directeur logistique
de RHNe : « La santé représente 5 %
des émissions mondiales de CO2, plus que l’aviation et la marine réunies. » (pf)

RHNe en chiffres :

Budget 2024
430 mios
Déficit prévu 14 millions

Nombre d’hospitalisations
19 839

Urgences
146 par jour

Naissances
1174

Nombre de collaborateurs
3328

 

 

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