Une offensive djihadiste met à l’épreuve le régime de Bachar Al Assad
Le choc et le jeu des plaques tectoniques continuent d’être à l’œuvre au Moyen-Orient. Le jour même de l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu au Liban, les armes ressurgissent avec fracas et fulgurance en Syrie. Alep, la deuxième ville du pays, est tombée en moins de trois jours. Partie du fief révolutionnaire de Idlib, l’offensive menée par des djihadistes affiliés tout à la fois à la Turquie et à la nébuleuse d’Al Qaeda a transpercé les lignes de défense d’une armée syrienne en pleine déroute. Présentée comme un repli tactique, cette débâcle – illustrée par l’abandon de nombreux chars aux abords immédiats de la ville et sur l’autoroute menant à Damas, la capitale – illustre l’extrême fragilité d’un pays en lambeaux, marqué par plus d’une décennie de guerre. « La crise économique a durement impacté le régime de Bachar Al Assad et son appareil sécuritaire », explique Fabrice Ballanche, spécialiste de la Syrie et maître de conférences à l’université de Lyon.
« Épuisés par des années de guerre, payés 15 à 20 dollars par mois, les soldats ne sont plus prêts à se sacrifier. L’affaiblissement des soutiens militaires traditionnels de la Syrie – le Hezbollah, la Russie et l’Iran – a offert une fenêtre d’opportunité à des rebelles en embuscade. » Un rêve de reconquête soutenu par la Turquie. Certainement aussi par Israël et par les états-Unis, portés par la volonté commune de reconfigurer le Proche-Orient et d’affaiblir l’axe de résistance soutenu par Moscou, Téhéran et le Hezbollah libanais. « Jim Jeffrey, ancien envoyé spécial pour la Syrie (2017–2020), explique que l’objectif de Washington est d’empêcher la victoire d’Assad et de ses alliés. Qu’ils soutiennent des rebelles jugés fréquentables, animés certes par l’imposition d’un régime islamique en Syrie, mais ayant rompu avec l’ambition d’un djihad international. »
Sur le terrain, à Alep, la minorité chrétienne s’étonne d’ailleurs de la bienveillance de ces rebelles islamistes qui ont pour mot d’ordre de leur hiérarchie de ne pas commettre d’exactions. « Dans la rue, les milices islamistes nous disent qu’ils n’ont rien contre nous, qu’ils ne nous feront aucun mal, qu’ils sont là uniquement pour renverser le régime de Bachar et pour révolutionner le système. »
Dizaines de milliers de civils en fuite
Il n’empêche, plusieurs dizaines de milliers de civils ont quitté Alep, effrayés à l’idée de voir s’installer un califat dans la capitale économique de la Syrie. L’onde de choc de la crise syrienne et ce nouveau facteur d’instabilité au Moyen-Orient inquiète la communauté internationale. L’Allemagne, par exemple, redoute l’afflux de nombreux réfugiés, elle qui accueille déjà un million de Syriens. La Russie de Vladimir Poutine, parrain indéfectible du régime d’Assad, pourrait aussi perdre beaucoup dans ce revers politique et militaire dans ce qu’elle considère comme l’une de ses zones d’influences.