L’artiste genevoise Aline Bovard Rudaz présente une exposition de photographies et des témoignages à Lausanne sur des femmes radiées de l’histoire qui se nommaient : radiumineuses.
Près de 1100 bâtiments potentiellement contaminés au radium dont près de 360 rien qu’à La Chaux-de-Fonds. Oui, ces chiffres donnent le tournis ! Dans la galerie Strates à Lausanne, la photographe suisse Aline Bovard Rudaz a mis en lumière celles qui ont été victimes de la mode du radium sur les montres : les radiumineuses. Elle a entendu parler du destin tragique de ces femmes dans un article du Temps. « Dans ma pratique artistique, je suis intéressée par tout ce qui est histoire oubliée ou non racontée. Tout particulièrement ce qui est lié à l’existence féminine », affirme-t-elle. L’artiste s’est donc logiquement penchée sur l’histoire passionnante de l’utilisation de cette matière radioactive dans le monde de l’horlogerie. Malheureusement, la Genevoise s’est heurtée à un obstacle de taille : elle n’a pas trouvé de radiumineuses en vie. Ce travail ayant été interdit en 1963.
Enquête pour faire la lumière sur cette matière phosphorescente
Elle a donc entrepris un grand travail de recherche qui l’a menée à La Chaux-de-Fonds pour rencontrer Jimmy Cattin, fils de radiumineuse. « Elle posait une matière phosphorescente activée au radium sur les cadrans de montres, et parfois même sur les cadrans de tableaux de bord destinés à l’aviation. Elle recevait des tubes contenant de la poudre de radium qu’il fallait ensuite mélanger à la colle pour obtenir une matière semi-liquide », se remémore-t-il. La matière radioactive servait à voir l’heure dans le noir, ce qui était très utile pour les militaires, les plongeurs ou les aviateurs. La photographe féministe s’est ensuite rendue à Saint-Imier où elle a portraitisé des photographies de ces femmes qui se trouvaient dans les archives. Elle a également interviewé une chirurgienne qui a opéré des radiodermites des mains (réd : œdèmes qui apparaissent après une trop grande exposition à la radioactivité), maladie que présentaient beaucoup de ces ouvrières à domicile.
Processus artistique
Pour la conception des photos, sans les principales protagonistes, Aline Bovard Rudaz a imagé des anecdotes que lui ont racontés des témoins, ce qui a donné « des images très abstraites, un peu poétiques. Les photographies sont assez sombres, noires et vertes. Pour l’effet phosphorescent, j’ai utilisé de la peinture au néon qui brille aussi dans la nuit. » Une de ces petites histoires autour du radium concerne du vernis à ongle : « On voit des mains et des ongles peints avec de la peinture qui brille dans le noir. Cela fait référence à ces femmes qui se peignaient les ongles au radium pour se faire belles. » Quel est la suite de ces travaux sur ces Marie Curie de l’ombre ? « J’aimerais réaliser une vidéo sur une radiumineuse d’aujourd’hui. Ce sont les femmes qui posent toujours la peinture luminescente sur les aiguilles et cadrans des montres, même avec de la matière évidemment pas radioactive. Et j’aimerais observer une de ces femmes pour filmer ce geste répétitif. »
Exposition
Si vous souhaitez découvrir ce travail artistique et historique, les œuvres sont exposées à la galerie Strates, à Lausanne, jusqu’au 3 avril 2025. Si vous êtes ou connaissez une radiumineuse, vous pouvez contacter info@le-o.ch