Plongée historique dans les entrailles des Convers et du canton
Le sous-sol neuchâtelois n’est pas bien riche, cela n’a pas empêché l’essor d’une industrie minière pendant plus de 200 ans. On connaît les mines d’asphalte de La Presta, elles ont couvert les trottoirs parisiens et sont devenues un spot touristique, mais qui se souvient de la mine des Convers, exploitée entre 1870 et 1919 pour y produire du ciment ? Ce passé minier méconnu est révélé au grand jour avec la publication de L’Extraction minière en terre neuchâteloise aux éditions Alphil.
On y apprend que les autorités de l’époque n’étaient pas toujours pressées de traiter les demandes de concession, la population craignant les éboulements, au grand dam du roi de Prusse qui voyait là une source de profit. L’auteur, Maurice Grünig, est l’ancien délégué à l’énergie de La Chaux-de-Fonds et président du Spéléo club des Montagnes neuchâteloises. Un ouvrage patrimonial et encyclopédique passionnant sur cette page oubliée de notre histoire.
– Ce travail est l’œuvre d’une vie, d’où vient cette passion ?
– C’est 17 ans de recherches. J’aime dévoiler le passé oublié, et je suis passionné de spéléo.
– Pourquoi cette histoire est-elle méconnue ?
– On a la mémoire courte et cette industrie était sans doute moins glorieuse que l’horlogerie ou les indiennes.
– Que reste-t-il de ce passé souterrain ?
– Les mines ne sont plus exploitées, elles ont toutes été fermées par mesure de sécurité. Mais il reste quelque 10 km de galeries qui sont stables, à température ambiante d’environ 8 degrés toute l’année. On pourrait y stocker du matériel informatique ou y cultiver des endives ou des champignons de Paris comme on l’a fait à Noiraigue et à Saint-Sulpice. Certains y ont garé des voitures, d’autres se sont essayé à cultiver du chanvre !
– Quel était le poids économique de cette industrie minière ?
– Quand ça tournait à plein régime, entre 1900 et 1920, il devait y avoir 400 à 500 ouvriers. On comptait environ 150 km de galeries, dont 100 pour la Presta.
– Qu’est-ce qu’on y trouvait ?
– Principalement des pierres à ciment, notamment aux Convers, des pierres de construction, de l’asphalte bien sûr et un peu de lignite au Locle, c’est du charbon.
– On a trouvé de l’or ?
– Un peu dans l’Areuse, mais c’est interdit d’orpailler aujourd’hui. L’or qu’on a trouvé venait de la désagrégation des blocs erratiques.
– Combien ?
– Pas plus de 50 grammes au maximum.
– Pourquoi tout s’est arrêté ?
– À plusieurs endroits ce sont des arrêts de filon. L’exploitation coûtait cher. Et avec le développement du chemin de fer, le ciment importé devenait plus concurrentiel.
– Aux Convers il y avait une véritable industrie ?
– Oui, on a compté jusqu’à 24 bâtiments autour de la mine et de l’usine de ciment, des habitations, un restaurant, un dépôt de pétrole, un vendeur de whisky, même un projet de téléphérique pour la Vue-des-Alpes. Le train s’y arrêtait. Tout est parti en ruines et le reste a été démoli pour faire place à la galerie couverte du tunnel.
– Quel regard vous portez sur cette activité aujourd’hui ?
– Beaucoup de respect pour le travail qui a été fait, dans les conditions de l’époque. Et de l’admiration pour certaines avancées sociales. Le propriétaire des galeries de Saint-Sulpice avait fait une assurance pour ses employés et il ouvrait les douches aux familles le week-end.
– Votre prochain projet ?
– L’inventaire des blocs erratiques. On en connaissait 7 sur les cartes de la ville, aujourd’hui on en recense plus de 20 000 dans le canton. Et une centaine de menhirs !
– Plus que chez Obélix ?
– Tout à fait… (rires) !
L’extraction minière en terre neuchâteloise, une histoire méconnue, les Cahiers de l’Institut neuchâtelois aux Editions Alphil, de Maurice Grünig avec Corinne Chuard, Yvan Matthey et Jacques Ayer.