Une voix à Gaza

Pacifiste et non-violent convaincu, Ziad Medoukh est professeur de français à l’université. Il habite à Gaza-ville, lieu qu’il a toujours refusé de quitter. Dans cette chronique, il parle de la vie à Gaza mais aussi d’espoir et d’avenir.

Ziad Medoukh, 02 avril 2025, Gaza

Après un mois de trêve fragile, les accords ont été rompus par Israël. Les bombardements ont repris, nuit et jour, dans toute la Bande de Gaza. Depuis le 2 mars, tous les passages qui permettent à l’aide humanitaire d’arriver sont fermés. La population palestinienne de Gaza est horrifiée, terrifiée, fatiguée. Elle manque de tout. La crise la plus grave est la pénurie d’eau potable. Avant, il y avait 1230 puits d’eau qui fonctionnaient au carburant ou grâce aux panneaux solaires. L’armée israélienne en a détruit plus de neuf-cents. Il en reste environ 270 mais qui ne fonctionnent qu’à 30 % de leur capacité à cause de la pénurie

20 litres d’eau par foyer de 20 à 30 personnes
Des camions-citernes municipaux tournent dans les quartiers dévastés et détruits. Chaque foyer (entre 20 et 30 personnes car les personnes déplacées sont accueillies chez proches ou des amis) a droit à 20 litres d’eau potable tous les trois jours pour l’équivalent de 4 euros. C’est très cher mais les Gazaouis sont obligés d’en acheter. L’eau potable est rare et de mauvaise qualité malheureusement. À la pénurie d’eau potable s’ajoute la crise en eau domestique.  Elle est difficile à trouver parce que les canalisations ont été détruites par les bombardements. Tout cela rend la vie très difficile pour les familles qui doivent parfois marcher des centaines de mètres pour accéder à 2 ou 3 gallons d’eau. On voit quelques fois des centaines de personnes faire la queue dans les rues. C’est terrible.

20 euros le kilo de farine
Deuxième grande pénurie : la nourriture ! Plus rien n’entre à Gaza. Les produits alimentaires sont presque introuvables sur le marché et leurs prix augmentent toujours. Un kilo de farine coûte 20 euros aujourd’hui. On ne mange qu’un seul repas par jour, un repas très modeste qui se compose souvent de riz, de pâtes ou de boîtes de conserve. On est obligés de se contenter de cela car c’est la seule chose qu’on trouve encore sur le marché où il n’y a plus ni fruit, ni légume, ni poulet, ni viande, ni poisson …rien du tout. Troisièmement, il y a pénurie de médicaments et de matériel médical en plus de la dévastation et la destruction des hôpitaux. Dans le nord de la Bande de Gaza, 30 hôpitaux sont complètement hors service.

Peu de soins et plus de gaz
Seuls quelques centres médicaux et cliniques fonctionnent encore mais il n’y a pas assez de médecins. On trouve bien quelques bénévoles mais c’est insuffisant pour le nombre considérable de malades et de blessés qui ont besoin de soins. Les médicaments sont souvent périmés. Il n’y a plus de laboratoire ni de pharmacie. Des milliers de malades et de blessés doivent attendre pour se faire soigner. Quatrièmement, la pénurie de gaz. Le gaz n’est entré que pendant la trêve et en très petite quantité. Les Gazaouis sont de nouveau obligés de cuisiner au bois mais un kilo de bois coûte 6 euros. Pour faire à manger à une famille, on a besoin de 4 kilos de bois, soit 24 euros. A ce prix, on n’ose plus préparer de thé ni de café sur le feu de bois.

Usine de désalinisation hors-service
Enfin, il y a pénurie d’électricité. La dernière centrale électrique qui ne fonctionnait plus qu’à 30%, a été totalement détruite le 13 octobre 2023.  Depuis, l’électricité vient soit des générateurs qui fonctionnent au carburant ou au fioul, soit des panneaux solaires. Ces derniers mois, c’était l’hiver et il faisait froid à Gaza. Il n’y pas eu beaucoup de soleil, pas assez pour que les panneaux solaires fonctionnent bien.  Le réseau de communication est également touché par le manque d’électricité. Mais le plus grave avec la pénurie d’électricité est que l’usine de désalinisation, qui permet aux Gazaouis d’avoir de l’eau potable, ne fonctionne pas sans électricité.

Les Palestiniens de Gaza sont patients, c’est vrai, mais ils se sentent complètement impuissants. Ils essaient de tenir bon mais, dans ce climat d’insécurité et avec les déplacements forcés, c’est très compliqué.

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