Si on demandait « quel est le visage de Dame Nature » aux élèves chaux-de-fonniers, ce serait assurément celui d’Anne-Laure Gräub qu’ils pointeraient du doigt. Créatrice du concept de « journée canapé-forestier » en 2011, cette maman de deux enfants accueille aujourd’hui 73 classes dans la forêt qu’elle aime transformer en un lieu pédagogique où il fait bon explorer et expérimenter la nature. Après 14 ans passés dans la peau de Dame Nature, Anne-Laure Gräub passera la témoin à la fin de l’année scolaire en cours.
Ce mercredi matin du mois de mai, des chuchotements inhabituels se font entendre autour du canapé-forestier de Cappel. En un claquement de doigt, tous les enfants ont disparu. Où sont-ils ? Chutttt ! Une mélodie s’échappe soudainement des bois et slalome entre les arbres. Ecoutez : « C’est fini, tu vas t’en aller. On a bien profité, grand merci à toi Anne-Laure, on t’aime fort ! A la prochaine fois, tous dehors ! »
La surprise des enfants pour Anne-Laure
La voix de la forêt sort des poumons de quarante enfants, tous venus remercier Anne-Laure pour sa patience, ses connaissances et son aisance pédagogique qui lui ont permis d’accompagner si bien les jeunes élèves de la 1re à la 4e Harmos durant toutes ces années. « Pourtant, je ne suis pas enseignante mais laborantine en biologie à la base », rigole-t-elle en séchant quelques perles sucrées sur ses joues. Plusieurs enfants lui sautent tour à tour dans les bras devant le cadeau qu’ils lui ont préparé : un arbre géant avec des dizaines voire des centaines de dessins. Si beaucoup de fleurs et de soleils garnissent ses branches, ce n’est pas un hasard. Cela fait sans doute écho à la personnalité rayonnante et ouverte d’Anne-Laure.
Apprendre sans le sentiment de « devoir apprendre »
Le succès des « journées canapé-forestier » tient aussi dans le cadre ou plutôt l’absence de cadre de cette activité. « Je ne suis pas là pour me substituer aux enseignantes qui m’accompagnent. Mon rôle est de faire sortir les enfants du cadre formel de l’école pour leur faire découvrir les richesses de la nature. Pas juste pour se promener mais toujours avec une portée pédagogique. » Magie de cet environnement, les jeunes n’ont pas le sentiment de « devoir apprendre ». « Et pourtant, ils apprennent beaucoup de choses », précise Anne-Laure.
D’abord ouvrir les portes et réveiller le géant de la forêt
Ici, en forêt, certains rituels permettent de préparer les enfants à entrer dans cet environnement particulier. « Lorsque nous arrivons, nous ouvrons toujours symboliquement les portes de la forêt avant de réveiller le géant de la forêt », dévoile celle qui fait de la pédagogie par la nature. Attention, avant de repartir, il convient de ne pas oublier de refermer les portes tout en chantant quelques notes en guise d’adieu aux arbres. Entre les deux, les élèves bénéficient de temps libre, d’activités variées et de certains enseignements à travers des questions du type « qu’est-ce que le bois » ou « comment apprendre à mieux connaître les oiseaux ».
La collation : seul moment de silence de la journée
« Nous essayons de mobiliser les 5 sens des enfants. Par exemple, nous préparons toujours une collation sur le feu comme des pancakes, des marshmallows grillés et de la raclette. » Ce qui offre l’un des rares moments de silence de la journée, m’a-t-on glissé dans l’oreille ! Sans rire, canaliser les enfants, c’est le plus difficile à faire ? « Non, je dirais que sortir par tous les temps est probablement ce qui peut peser sur les comportements. Les élèves qui ont moins l’habitude de sortir en nature peuvent aussi être plus dissipés que les autres », étaie Dame Nature.
Nul n’ose remettre en question l’autorité de Simon le hérisson
« Heureusement, la mascotte Simon le hérisson est toujours là pour rassurer les enfants et apaiser les esprits en cas d’éventuelles tensions. » En forêt, nul n’oserait remettre en question l’autorité de Simon le hérisson. Cet univers parallèle, Anne-Laure Gräub l’a construit petit à petit depuis 14 ans. « Au début, il y avait une dizaine de classes. Maintenant, je suis tous les jours en forêt avec une ou plusieurs des 73 classes qui se sont inscrites aux journées canapé-forestier. Observer l’évolution des enfants est quelque chose de magique » Et même si Dame Nature a décidé de passer le témoin à fin juin, par choix personnel, cette magie perdurera dans le futur. Le géant de la forêt m’a dit que deux de ses collègues pourraient hériter des clés de la forêt…