Sûr que les Beatles n’avaient pas cette version en tête dans les années 1960. Mais aujourd’hui l’amour de son prochain passe par une économie durable ! Et pour cela, il faut viser les PME. Elles constituent l’essentiel du tissu économique et, contrairement aux grandes sociétés, n’ont pas toujours le temps ni les moyens de se lancer dans la transition énergétique. La banque cantonale et la chambre du commerce l’ont bien compris. Elles ont lancé la plateforme Need (www.ne-ed.ch), un espace d’échange où les entreprises peuvent partager leurs expériences. Joli jeu de mot à la clé. Need, en français « Neuchâtel – entreprises durables » veut dire besoin ou nécessité en anglais. Le Ô a réuni les initiateurs du projet, Marie-Laure Chapatte de la BCN et Florian Németi, directeur de la CNCI.
Comment est née cette collaboration ?
Marie-Laure Chapatte (MLC) : À la BCN, le service RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise) est devenu un pilier fort de notre politique. La chambre du commerce a inscrit la durabilité dans ses priorités stratégiques. On s’est demandé s’il était possible de travailler ensemble plutôt que de faire chacun son chemin en solitaire. Nous avions tous les deux la volonté d’accompagner les entreprises vers plus de durabilité.
Comment vous partagez-vous les rôles ?
Florian Németi (FN) : Nous avons une vision commune mais les rôles peuvent être parfois distincts. L’équipe de communication au sein de la banque est plus importante qu’à la CNCI. De notre côté on a plus d’activités sur le terrain avec les entreprises. Nous sommes complémentaires.
Qui a trouvé le nom, Need ?
FN : C’est un brainstorming entre les gens de la banque, de la chambre et de l’agence de comm Inox. Need nous a plu en raison du double sens.
Est-ce que la transition énergétique est une priorité pour les PME autant que pour les grandes sociétés ?
MLC : On constate que ce n’est pas toujours une priorité pour les PME qui sont dans l’opérationnel, le nez dans le guidon ! Notre rôle est de les rendre attentives, même les petites structures, sur le fait que, demain, les questions liées à la transition deviendront plus importantes dans les critères pour l’octroi d’un crédit. Une entreprise qui n’aura pas fait sa transition représentera un risque plus grand et cela aura un impact sur les conditions de financement.
Elle obtiendra un crédit à de moins bonnes conditions ?
MLC : Oui car la banque devra couvrir ce risque. C’est toujours le bâton et la carotte. Dans un premier temps on va soutenir les entreprises pour leur permettre de faire cette transition mais à un moment on ne pourra plus et on devra sortir le bâton.
FN : Parmi nos membres il y a beaucoup d’industriels, dont une bonne partie qui sont liés aux marchés d’exportations où les pressions sont fortes. Les lois et les taxes sont plus contraignantes. C’est à nous d’agiter le drapeau pour dire à nos membres que la durabilité va devenir une priorité.
Ça ne va pas assez vite ?
MLC : Des efforts sont faits, notamment chez certains fournisseurs, mais ce qui manque, c’est la vision globale pour transformer l’entreprise en profondeur dans toute la chaîne de valeurs.
FN : Ça va plus vite dans certains secteurs, notamment les panneaux solaires car on arrive à les rentabiliser très vite, parfois en 4 ans déjà avec la hausse des prix de l’électricité.
Quelles sont les mesures prises le plus souvent ?
FN : Elles touchent au domaine énergétique. Avec la hausse des prix de l’énergie, les PME cherchent à remplacer une énergie chère par une moins chère, tout en devenant plus propres.
MLC : Le tissu économique neuchâtelois est très industriel, donc gourmand en énergie, ce qui en fait une question prioritaire.
FN : Les entreprises gèrent mieux les déchets. Elles sont sensibles au recyclage afin de travailler avec des matériaux moins chers et plus écologiques.
Est-ce que Need apporte une aide financière ?
MLC : À ce stade il n’y a pas d’aide financière. On est dans un rôle de facilitateur. La proximité joue un rôle important. On s’inspire plus facilement des expériences faites par une entreprise de la région que l’on connaît.
Quels sont les obstacles ? L’argent, les compétences ?
MLC : Ce qui manque, c’est la vision à long terme. La transition énergétique, elle se planifie, or on est encore dans la politique des petits pas.
FN : Pour développer un produit plus durable, il faut parfois changer toute l’architecture de l’entreprise. On n’usine pas de la céramique comme de l’alu. Ce ne sont pas les mêmes machines, ni les mêmes fournisseurs. Ça demande de l’innovation. Une PME préférera cumuler des bénéfices au coup par coup plutôt que de remettre en question toute la stratégie industrielle.
Être écologique, ou durable, c’est aussi un avantage économique ?
FN : Oui, c’est un argument auquel on tient beaucoup.
MLC : Il y a les bénéfices visibles, comme la facture d’électricité, et d’autres qui sont difficilement quantifiables. Dans une entreprise durable, le turnover du personnel, qui représente des coûts cachés, est réduit.
FN : Dans les entreprises qui proposent plus de flexibilité et un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, on constate moins d’absentéisme, moins de stress. On peut parler de durabilité à sa place de travail.
Combien de membres sur la plateforme Need ?
FN : Notre objectif est de réunir 500 entreprises et d’amener régulièrement du contenu dans une approche de type formation continue.
Quel est l’intérêt pour une entreprise de partager ses expériences ?
MLC : Il y a déjà une part de fierté, on aime bien montrer ce qu’on a réussi à faire. C’est aussi une question d’image. Et les entreprises espèrent avoir le retour des autres, c’est le deal : donner pour recevoir.
Dans vos entreprises respectives est-ce que vous montrez l’exemple ?
FN : On peut toujours faire mieux. Mais chaque fois qu’on voit une opportunité, on le fait. À la CNCI, on a passablement flexibilisé le temps de travail. Si on veut changer l’isolation c’est plus compliqué car on se trouve dans un vieux bâtiment inscrit au patrimoine.
MLC : À la BCN on a fait notre feuille de route pour la décarbonation des bâtiments et des véhicules d’entreprise. On redéfinit également les projets qu’on finance, en y intégrant davantage les critères énergétiques.

De gauche à droite : Quentin Di Meo, chargé de projets à la CNCI,
Marie-Laure Chapatte, responsable RSE à la BCN, élodie Aubert,
conseillère économique à la BCN, Patricia Da Costa, économiste à la CNCI, Florian Németi, directeur de la CNCI. (Photo BCN)