Quand on n’entend plus, tout est non-dit ?

Par Lieven Humbert

Quelle belle manière de commencer cette nouvelle saison au Casino du Locle ! Jacques Gamblin et Laurent de Wilde s’associent en paroles et musique pour un voyage autour de tant de questions qui occupent les esprits : est-ce qu’un arbre qui tombe fait quand même du bruit si personne ne l’entend ? Combien pèse le son ? Est-il plus lourd que l’air ? Est-il plus sourd que ma mère ? Et est-ce qu’au moins une de ces questions trouvera sa réponse ? Du haut de sa médaille de commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres ainsi que de ses 2 Molières, Jacques Gamblin nous fait l’honneur de nous éclairer sur sa venue dans nos contrées.

– Jacques Gamblin, quel genre de spectacle est-ce que vous nous réservez ?
– Il s’agit d’une lecture accompagnée où les nouvelles situations s’enchaînent. On traverse le récit du voisin du dessus qui nous emmerde jusqu’à la question de l’analyse audiométrique. Le tout se raconte de bien des manières et dans bien des styles musicaux. On passe du classique à l’électro ! C’est une forme de randonnée sur le son qu’on entend et je l’entame par le bout de ma propre lorgnette et de mon expérience. C’est plutôt joyeux et j’aime les virages à angle droit, du drôle au touchant tout en restant poétique. C’est mon univers, clairement… Et il y a des personnes qui le reconnaîtront car je suis déjà venu plusieurs fois au Locle.

– D’où vous viennent donc vos questions surréalistes ?
– C’est un esprit que j’ai constamment, j’ai une passion pour les choses absurdes. On y trouve une forme de vérité, de philosophie et de profondeur. Il y a là une certaine poésie. On peut naviguer si loin en partant de questions anecdotiques.

– D’ailleurs, vous semblez avoir un rapport particulier au silence, qu’en est-il ?
– J’ai une amie qui m’appelle « Monsieur Silence »… Il est vrai que ce sujet me passionne car le silence peut-être très bruyant lorsque l’on n’est pas en connivence avec. Le silence de la tête surtout. Moi, ça m’apaise et c’est un équilibre qui est très difficile à trouver – la mer peut faire du bruit et le vent aussi. Des silences, il y en a 1000 qui sont plus ou moins acceptables. Le silence absolu n’existe peut-être pas… (silence).

– Comment expliquez-vous cette recherche du silence ?
– Le bruit de la ville m’oppresse mais le bruit de l’eau, beaucoup moins. Quand j’étais gamin et que je rentrais tard, ma mère me disait qu’elle ne m’avait même pas entendu revenir à la maison, c’était une victoire incommensurable ! Ma sœur, on l’entendait toujours. C’est tout un travail de connaître son environnement et de savoir où est-ce qu’on peut mettre les pieds pour rester discret. Pour moi, c’est un scandale de réveiller quelqu’un qui dort. Il y a le silence de la nuit et le silence de l’insomniaque que je suis. Le dernier texte est en fait une ode au silence, parce que ça manque, parce qu’il y a toujours un peu de bruit quelque part. Ça devient presque un jeu d’enquête de débusquer des endroits silencieux.

– Vous liez donc aussi vos silences aux personnes qui vous entourent ?
– Il y a le silence à 2, à 3, ou à 15. Être avec quelqu’un avec qui on ne se sent pas obligé de parler, quelqu’un avec qui ça n’amène pas de l’angoisse, c’est beau.

– Jacques Gamblin, votre mot de la fin ?
– À chaque spectacle que je fais, les gens ne savent jamais vraiment ce qu’ils viennent voir. C’est mon plus grand bonheur de me dire que ces gens sont venus par curiosité et que ça les a amenés jusqu’à moi. C’est un tel plaisir de cultiver leur joie de découvrir, le fait de rester curieux, je leur dis merci !

 

Jacques Gamblin & Laurent de Wilde 
Paris, le 29 avril 2024
©Frédéric STUCIN
Jacques Gamblin & Laurent de Wilde Paris, le 29 avril 2024 ©Frédéric STUCIN

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