La tentation du Christ

Le Ô

La photographie officielle du Conseil d’Etat neuchâtelois interpelle des citoyens et des représentants politiques pour qui la symbolique de l’œuvre met à mal les valeurs de laïcité de la République.

La première salve est tombée d’un article cinglant et très argumenté de Daniel Musy, observateur attentif du monde et de la République : « Cinq petits ministres devant un immense Christ… » La formule choc résume la réaction de cette personnalité chaux-de-fonnière, ancien professeur de français, de philosophie et d’histoire au Lycée Blaise-Cendrars. Sur son excellent blog, cette figure de la vie culturelle et politique de La Chaux-de-Fonds fait référence à la photographie officielle du Conseil d’Etat neuchâtelois posant devant « Le Christ de fraternité », œuvre du sculpteur neuchâtelois Francis Berthoud. « Dans l’image qui nous estomaque, le Conseil d’État impose son Christ imposant à ses concitoyens, pas forcément chrétiens, pas forcément croyants. Et, de facto, échoue à les inclure dans les valeurs qu’il veut partager. Or, un Christ, tout sculpté qu’il soit, reste un Christ et un symbole pas contournable, même par des contorsions intellectuelles. Ce n’est pas un symbole républicain ».

L’affaire prend le lendemain une dimension romande et presque nationale avec la publication d’un article du tabloïd zurichois Blick. Son auteur, Amit Juillard, s’interroge sur la symbolique de l’œuvre dans un canton réputé laïc et multiculturel. La députée Verte libérale Brigitte Leitenberg monte elle-même au filet. « Je n’aurais jamais choisi ce décor, parce qu’il n’inclut pas tout le monde et la statue peut être terrifiante pour certaines personnes ». Réaction immédiate du Service de communication du Conseil d’Etat neuchâtelois : «Nous comprenons pleinement les interrogations de Madame Brigitte Leitenberg, qui sont légitimes (…). 

Aux yeux du Conseil d’État, il s’agit d’une œuvre d’art. Une œuvre d’art qui véhicule un message de solidarité et de fraternité. L’absence de croix renforce cette vision. » Daniel Musy déplore au final la « tambouille mentale » du chargé en communication du gouvernement neuchâtelois. « Dans ce sens, la diffusion de cette image n’est pas seulement une erreur de communication mais une faute politique. Elle est tolérable et même pardonnable car ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Le Conseil d’Etat neuchâtelois sur les hauteurs de La Chaux-de-Fonds pose devant Le Christ de fraternité, œuvre du sculpteur neuchâtelois Francis Berthoud. (Photo : République et Canton de Neuchâtel)
Le Conseil d’Etat neuchâtelois sur les hauteurs de La Chaux-de-Fonds pose devant Le Christ de fraternité, œuvre du sculpteur neuchâtelois Francis Berthoud. (Photo : République et Canton de Neuchâtel)

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