Swiss Airtainer, la start-up qui veut un transport aérien plus sûr et plus écolo, grâce à une innovation du CSEM
Sauver des vies et sauver la planète… et comment ? Un début de réponse se trouve dans la nouvelle génération de containers aériens, solaires et intelligents, qui vont révolutionner le transport des médicaments et des vaccins. C’est une innovation du CSEM qui a rendu la chose possible, des panneaux solaires ultralégers. Les caissons sont développés sur le site d’Y-Park à Yverdon par la start-up Swiss Airtainer, sur le point de les commercialiser.
Ces containers ont passé l’épreuve des températures extrêmes sur le tarmac de l’aéroport de Dubaï. Ils font bien plus qu’assurer la chaîne du froid, de manière totalement autonome. Ils assurent aussi la traçabilité et la sécurité du chargement, grâce à un monitoring intelligent. Des capteurs déclenchent des alertes en cas de changement de température ou d’ouverture imprévue des portes. Et le bonus c’est qu’ils pèsent beaucoup moins lourd, ce qui diminue passablement leur impact CO2.
Ces containers all inclusive ont reçu le Prix IATA 2023 de l’innovation décerné par l’Association internationale du transport aérien. À la tête de la société, Eduard Seligman a des airs de chevalier du ciel : « Nous voulons offrir une solution écologique et économique qui permette à chacun autour du globe de bénéficier des médicaments et des traitements dont il a besoin. » Interview.
– Comment est née l’idée de vous lancer dans le business du container ?
– J’étais dans la finance… Après mon divorce, j’ai dû me réinventer. C’est en Chine que j’ai découvert ce marché, dominé par deux acteurs dans le monde et très peu innovant. Je me suis dit : faisons quelque chose ! Mais c’est tellement compliqué que j’aurais peut-être mieux fait de rester dans la finance.
– Pas de regrets quand même ?
– Non, zéro regret. J’adore ce que je fais.
– Qu’est-ce qui est si compliqué ?
– Industrialiser une innovation, ça prend beaucoup plus de temps que prévu. Pas facile non plus d’obtenir les certifications dans les domaines où la régulation est aussi complexe que l’aviation et la pharma.
– Le plus dur est fait ?
– On a les principales certifications internationales, celles des compagnies aériennes, dont Swiss, et des sociétés logistiques comme UPS ou DHL… Nous sommes en phase pilote avec l’industrie pharmaceutique, un premier vol a eu lieu entre l’Allemagne et le Japon. Après quatre ans, on peut enfin démarrer la commercialisation.
– Votre principal client c’est la pharma ?
– D’abord un mot sur les défis. La pharma perd entre 100 et 200 milliards d’euros par année dû au vol, à la contrefaçon et au remplacement de vrais médicaments par des faux ! Cela entraîne entre un et trois millions de pertes humaines chaque année. Il faut donc assurer la traçabilité de chaque boîte de médicaments sur tout son parcours. Selon l’OMS, plus d’un vaccin sur trois a perdu de son efficacité quand il est délivré, à cause des écarts de température. Nos containers sont autonomes. Les panneaux solaires chargent les batteries qui alimentent les compresseurs jour et nuit même dans des conditions extrêmes.
– À part la pharma, d’autres marchés ?
– La pharma est le principal car le transport des médicaments se fait à 5 degrés. Mais il y a aussi des marchés de niche, les composants électroniques qui doivent être transportés à la même température, et le transport sécuritaire, comme les tableaux et les œuvres d’art. On a été approché par une société horlogère qui veut utiliser notre container pas pour le froid mais pour la traçabilité et la sécurité du transport !
– Et l’agro-alimentaire ?
-Là on est dans un environnement de 15 à 25 degrés. Ça sera pour plus tard. On est en discussion avec une compagnie aérienne pour transporter de Paris au Canada des biens pharmaceutiques et revenir avec des crustacés.
– Avec le Japon vous pouvez ramener des sushis !
– Je préfère quand même les manger sur place.
– Vous avez combien de containers ?
– Une vingtaine actuellement. On a une demande pour six cents ! Malheureusement on ne peut pas les livrer car ils ne sont pas encore construits. On est à la recherche d’un financement pour fabriquer les cent prochains containers.
– Vous avez besoin de combien ?
– On a besoin de 5 millions. En quatre ans on a dépensé 7 millions, financés à 65 % par des aides publiques. On avait même été sélectionné parmi vingt-cinq start-up en Europe, ce qui nous aurait valu une subvention de 12,5 millions d’euros, mais la Suisse a décidé de sortir de l’accord cadre…
– Et vous l’avez payé au prix fort ?
– Ben, on nous a informé que pour des raisons politiques l’Union européenne n’allait plus subventionner notre petite entreprise.
– Votre commentaire à ce propos ?
– Sluuuurps… ! (rires) Heureusement, la Confédération s’est substituée partiellement à l’UE et nous a donné une subvention de 2,5 millions. C’est triste mais fair-play !
– La suite ?
– On est en train de développer un container beaucoup plus gros. L’ADN de notre société c’est l’innovation. On essaie de l’amener dans l’aéronautique qui est encore un monde très conservateur.
– Dans votre cas, ce qui est écologique est économique ?
– Absolument ! La réduction du poids de 45 % des containers et l’intelligence qu’on a mis dedans permet de baisser les coûts de 30 %. Le message que je veux transmettre, c’est que l’écologie, ou la décarbonation, n’est pas un coût supplémentaire, mais une opportunité, un encouragement à innover. Avec la transition énergétique, on vit une nouvelle révolution industrielle.
– Confiant ?
– (Long silence) Géopolitiquement non. Mais écologiquement j’ai confiance dans la capacité d’innovation de l’homme. Il faut que les médias arrêtent de nous faire peur. On ne parle pas assez des solutions qui sont mises en place, de la reforestation en Afrique, des avancées technologiques qui sont extraordinaires…
Voilà qui est fait !