Une nouvelle usine verte de chez verts

Par Patrick Fischer 

Jusqu’où une usine peut-elle être écologique ? Le bureau d’architectes chaux-de-fonnier Epigraf va pousser le concept à fond avec le projet de nouveau bâtiment industriel de Ciposa à Hauterive. L’entreprise, qui produit des machines de microassemblage, va s’offrir une usine à 27 millions de francs pour ses 60 ans, qu’elle fêtera en 2026. Joli cadeau d’anniversaire, le projet se veut quasi autonome sur le plan énergétique. Le Ô a réuni l’architecte et l’entrepreneur, Maël Stucki, fondateur d’Epigraf, et Florian Stauffer CEO de Ciposa.

– Comment est né ce projet de nouvelle usine ?
– Florian Stauffer : En raison de notre forte croissance, nous avons dû prendre des locaux supplémentaires. On s’est dit qu’on pourrait tout mettre sous un même toit, afin de mieux maîtriser les coûts de l’énergie, qui représentent actuellement une charge très importante. Je voulais aussi transposer sur le plan industriel ce que j’ai entrepris dans ma maison pour sortir des énergies fossiles.

– Le choix de l’ultradurabilité s’est immédiatement imposé ?
– C’est une réflexion globale. Les machines de nouvelle génération que nous fabriquons consomment 60 à 70 % moins d’énergie. On voulait être dans la même démarche au niveau de notre bâtiment.

– Construire écolo coûte plus cher ?
– C’est ce qu’on dit. Nous voulons prouver que non. On peut arriver à un résultat très compétitif pour la construction et on gagnera sur les coûts d’exploitation. Donc pas de surcoûts, pour nous l’écologie doit être économique aussi !

– Il y a des aides de l’état ?
– Cela n’a pas été déterminant. Le seul véritable avantage est le bonus Minergie qui permet de construire 10 % de volume en plus. Ça permettra de mieux rentabiliser le terrain.

– Être pionnier de la durabilité est une priorité d’un point de vue marketing ?
– Ce n’est pas ce qui a motivé notre démarche mais nous travaillons beaucoup pour l’horlogerie et c’est clairement une demande dans ce milieu. C’est aussi une motivation pour nos collaborateurs.
Une réflexion globale doit justement impliquer les collaborateurs. Qu’avez-vous prévu ?
Nous allons mettre en place un plan de mobilité. L’employeur prendra en charge l’abonnement Onde Verte pour ceux qui se déplacent en transports publics.

– Vous avez prévu de créer un biotope, c’est pour faire joli ?
– On ne construit pas un bâtiment sans impact sur l’environnement mais on fait tout pour le minimiser. On va devoir couper des arbres. On va les replanter et diversifier les essences. Et nous avons déjà compensé ces pertes dans une forêt de la région.

Jamais allé aussi loin pour un projet industriel

– Que représente ce chantier pour votre bureau d’architecture ?
– Maël Stucki : C’est un de nos plus beaux challenges, avec un client qui a envie d’aller au bout de sa démarche.

– Vous n’êtes jamais allés aussi loin ?
– Pour l’habitat individuel oui, mais pas dans l’industrie.

– En plus des panneaux solaires, de l’isolation, vous avez aussi recours au béton enrichi au CO2. En quoi ça consiste ?
– On stocke du CO2 issu de la production du béton qu’on récupère et qu’on emprisonne dans le béton.

– Vous avez aussi étudié l’ensoleillement et les vents, pourquoi ?
– C’est pour utiliser au mieux l’environnement et ce que la nature nous donne. On pointe la géolocalisation et on regarde l’angle des rayons du soleil et la durée d’ensoleillement qui changent selon la saison, on va végétaliser avec des arbres qui perdent leurs feuilles en hiver pour emmagasiner de l’énergie et profiter de l’ombrage naturel en été. On va utiliser les vents pour ventiler et recycler l’air du bâtiment. On récupèrera aussi l’eau de pluie pour les WC et la production. Avec le pépiniériste on va choisir des arbres qui favorisent la nidification d’espèces d’oiseaux qui vont manger les insectes… ça peut faire sourire mais ça simplifiera l’entretien.

– Peut-on viser le 100 % d’autonomie ?
– Dans une maison individuelle c’est possible. Dans une usine ça va dépendre du type d’industrie. Il peut y avoir des pics de consommation au démarrage des machines mais à défaut d’être complètement autonome, on peut énormément réduire la consommation.

– Vous avez prévu des batteries ?
– On a prévu des batteries pour conserver l’énergie produite sur site. Ça permet de lisser ces pics de consommation. On sait qu’il est plus intéressant de consommer l’énergie que l’on produit plutôt que de la revendre.

– Y a-t-il un tournant ? Les architectes construisent-ils différemment ?
– Malheureusement pas assez ! C’est une question de marché aussi. à La Chaux-de-Fonds où les prix de vente sont 2 fois inférieurs à Fribourg, on est face à une réalité économique qui ne nous permet pas toujours de faire les bons choix.

 

Florian Stauffer, la vision du CEO

Ciposa, 70 employés équivalent plein temps, fabrique des machines d’automation pour le microassemblage de composants horlogers. Elle cherche à se diversifier dans des domaines comme les capteurs et le médical. « L’avenir c’est la photonique, la transmission de l’information par la lumière et non pas par l’électron », explique Florian Stauffer, CEO depuis 2022.

– Vous avez introduit le management participatif, c’est faire bosser les autres ?
– C’est faire confiance à ses collaborateurs et minimiser la hiérarchie verticale. J’ai dû effectuer un travail sur moi-même pour lâcher prise, en me disant que je ne suis pas indispensable. Le CEO doit donner la vision, mais il ne doit pas être au centre de chaque décision.

– L’entrepreneur a-t-il une responsabilité climatique, un devoir d’exemplarité ?
– À mes yeux oui, clairement, parce que les actions ou les choix de l’entreprise ont un impact sur les collaborateurs.

– Le réchauffement climatique vous inquiète ?
– Ce qui m’inquiète, c’est le comportement des humains quand ils ne veulent pas voir la réalité. Il y a des zones qui ne seront plus vivables à cause de la température ou de la montée des eaux.

Maël Stucki, un architecte sensible à la dimension humaine

Maël Stucki a fondé Epigraf en 2017. Le bureau compte 12 collaborateurs et 2 sites, à La Chaux-de-Fonds et à La Neuveville. Spécialisé dans les rénovations, il a de nombreux projets, dont le développement d’un éco-quartier au Locle, un centre des arts du cirque à la Combe-à-l’Ours, la reconstruction d’un bâtiment pour un club de judo et karaté avec appartements protégés, rue Blaise-Cendrars.

– Votre vision de la durabilité en architecture ?
– Pour nous la dimension humaine est très importante, on cherche à connaître les nouveaux besoins des familles ou des entreprises. La durabilité, c’est des espaces où les gens se sentent bien.

– Le réchauffement climatique vous inquiète ?
– Oui, j’aime la montagne. Quand j’ai voulu refaire une course au Monte Leone après 10 ans, il n’y avait plus de glacier, la course n’était plus possible. Ça m’a fichu un coup. C’est un processus lent, on ne va pas pouvoir renverser la vapeur demain, mais on doit faire aujourd’hui des choix pour le long terme.

– Votre geste quotidien pour le climat ?
– Déjà d’en faire un sujet central, d’en parler autour de nous et au travail. Sinon rouler électrique, consommer local… Ce qui paraît assez logique. Et c’est aussi un plaisir, moi qui adore manger, je trouve que les produits font plus envie.

Zéro opposition

Coût du projet : 27 millions. Il n’y a pas d’opposition après la mise à l’enquête. Premier surpris, l’architecte : « C’est extrêmement rare ! On s’attendait à des oppositions, mais on a fait un gros travail d’anticipation avec Pro Natura, le WWF, et tous les acteurs concernés pour les intégrer et leur expliquer notre démarche », explique Maël Stucki. Si tout va bien, le bâtiment sera construit pour l’été 2027.

Florian Stauffer : Le graal ça aurait été de couper le ruban en 2026, l’année de nos 60 ans. Notre entreprise a connu une très forte croissance après le Covid dans le sillage de l’horlogerie. Aujourd’hui, nous vivons une période plus difficile.

– De quoi remettre en question le projet de nouvelle usine ?
– Pour l’instant pas. Peut-être que ça influencera l’espace qu’on va occuper par rapport à celui qu’on louera à d’autres partenaires. Le bâtiment se veut très modulable et flexible.

 

Florian Stauffer, la vision du CEO

Ciposa, 70 employés équivalent plein temps, fabrique des machines d’automation pour le microassemblage de composants horlogers. Elle cherche à se diversifier dans des domaines comme les capteurs et le médical. « L’avenir c’est la photonique, la transmission de l’information par la lumière et non pas par l’électron », explique Florian Stauffer, CEO depuis 2022.

– Vous avez introduit le management participatif, c’est faire bosser les autres ?
– C’est faire confiance à ses collaborateurs et minimiser la hiérarchie verticale. J’ai dû effectuer un travail sur moi-même pour lâcher prise, en me disant que je ne suis pas indispensable. Le CEO doit donner la vision, mais il ne doit pas être au centre de chaque décision.

– L’entrepreneur a-t-il une responsabilité climatique, un devoir d’exemplarité ?
– À mes yeux oui, clairement, parce que les actions ou les choix de l’entreprise ont un impact sur les collaborateurs.

– Le réchauffement climatique vous inquiète ?
– Ce qui m’inquiète, c’est le comportement des humains quand ils ne veulent pas voir la réalité. Il y a des zones qui ne seront plus vivables à cause de la température ou de la montée des eaux.

Maël Stucki, un architecte sensible à la dimension humaine

Maël Stucki a fondé Epigraf en 2017. Le bureau compte 12 collaborateurs et 2 sites, à La Chaux-de-Fonds et à La Neuveville. Spécialisé dans les rénovations, il a de nombreux projets, dont le développement d’un éco-quartier au Locle, un centre des arts du cirque à la Combe-à-l’Ours, la reconstruction d’un bâtiment pour un club de judo et karaté avec appartements protégés, rue Blaise-Cendrars.

– Votre vision de la durabilité en architecture ?
– Pour nous la dimension humaine est très importante, on cherche à connaître les nouveaux besoins des familles ou des entreprises. La durabilité, c’est des espaces où les gens se sentent bien.

– Le réchauffement climatique vous inquiète ?
– Oui, j’aime la montagne. Quand j’ai voulu refaire une course au Monte Leone après 10 ans, il n’y avait plus de glacier, la course n’était plus possible. Ça m’a fichu un coup. C’est un processus lent, on ne va pas pouvoir renverser la vapeur demain, mais on doit faire aujourd’hui des choix pour le long terme.

– Votre geste quotidien pour le climat ?
– Déjà d’en faire un sujet central, d’en parler autour de nous et au travail. Sinon rouler électrique, consommer local… Ce qui paraît assez logique. Et c’est aussi un plaisir, moi qui adore manger, je trouve que les produits font plus envie.

Zéro opposition

Coût du projet : 27 millions. Il n’y a pas d’opposition après la mise à l’enquête. Premier surpris, l’architecte : « C’est extrêmement rare ! On s’attendait à des oppositions, mais on a fait un gros travail d’anticipation avec Pro Natura, le WWF, et tous les acteurs concernés pour les intégrer et leur expliquer notre démarche », explique Maël Stucki. Si tout va bien, le bâtiment sera construit pour l’été 2027.

Florian Stauffer : Le graal ça aurait été de couper le ruban en 2026, l’année de nos 60 ans. Notre entreprise a connu une très forte croissance après le Covid dans le sillage de l’horlogerie. Aujourd’hui, nous vivons une période plus difficile.

– De quoi remettre en question le projet de nouvelle usine ?
– Pour l’instant pas. Peut-être que ça influencera l’espace qu’on va occuper par rapport à celui qu’on louera à d’autres partenaires. Le bâtiment se veut très modulable et flexible.

 

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