L’hiver est fini mais ça chauffe…

Propos recueillis par
Françoise Boulianne Redard

La neige, sujet brûlant : le Canton adoucit sa position. Chiffre exclusif et édifiant : l’altitude, rien que pour la neige, coûte 7,65 mios à la ville ! Face-à-face Jean-Daniel Jeanneret – Laurent Kurth.

 

23 millions de francs sont en jeu. Notre ville et le canton de Neuchâtel s’affrontent à coup de rapports d’experts sur la redistribution de la part péréquative versée par la Confédération pour les surcharges géotopographiques, dues surtout à l’altitude.

 

Le peuple neuchâtelois votera en 2023 sur l’initiative déposée en 2021 demandant que 90% de cette manne fédérale soit versés aux communes situées à plus de 800 mètres. Les spécialistes le savent, la durée d’une route est de 20 à 25 ans en plaine, contre 10 à 15 ans en montagne, pour ne citer que ce fait.

 

Le conseiller communal Jean-Daniel Jeanneret et le conseiller d’Etat Laurent Kurth nous répondent de manière très circonstanciée. Le sujet crispe. En résumé, les arguments.

 

Pour Laurent Kurth, le défi est avant tout de maintenir des fonctions urbaines dans des régions cloisonnées par la géographie et l’altitude. La péréquation cantonale, fruit d’un travail de quinze ans, a abouti, dit-il, à des transferts financiers importants en leur faveur.

 

La priorité du Conseil d’Etat est de voir toutes les communes participer au développement du canton. L’accent est mis sur les transports, qui font pour l’heure obstacle à la prospérité. Des discussions sont en cours pour envisager une adaptation de la répartition des ressources et des programmes d’action. « En tant que Chaux-de-Fonnier, conclut-il, je souhaite que ma ville reste prospère et attractive, qu’elle entretienne son audace et retrouve sa fierté.»

 

Jean-Daniel Jeanneret relève de son côté que les investissements prochainement consentis dans les Montagnes « ne sont pas des cadeaux, mais une tentative de rattraper les retards : Les masses financières investies dans le Haut et le Bas sont depuis longtemps très inégales. »

 

Sans contester le système neuchâtelois, il fait remarquer que la péréquation actuelle serait la même si le canton était… plat. Le canton, assène-t-il, ne toucherait de loin pas ces 23 millions sans les 37 000 habitants de La Chaux-de-Fonds ! « En toute logique, une part significative doit revenir à la ville.

 

Le grand argentier de la Métropole horlogère a demandé un calcul très précis à ses services. En moyenne, sans parler des coûts intuitifs, comme la dégradation plus rapide des bâtiments, etc., les coûts objectifs liés à l’altitude s’élèvent à 7,65 millions par année ! (chiffre publié en exclusivité par Le Ô) !

 

La solution viendra-t-elle du dialogue ou des urnes ?


 

« Déneiger, c’est la bataille qu’on ne peut pas perdre »

Bekir Omerovic adore la neige. « Mais l’hiver, elle est l’adversaire à repousser sans cesse. » Portrait d’un voyer-chef qui, enfant, a vécu la guerre.

 

Vous le constaterez, cet ingénieur charismatique et plein d’humour décrit parfois son travail avec des formules quasi militaires. Normal, il avait 11 ans lorsque les bombes ont commencé à s’abattre autour de lui, en Bosnie-Herzégovine, près de Srebrenica et de la frontière serbe. Disparue, la ferme de ses parents. Disparu, son père. Envolées, ses joies d’enfant, à jouer au milieu des vaches, des poules et des moutons et à luger, l’hiver, sur les chemins jamais déblayés.

 

Arrivé à La Chaux-de-Fonds en janvier 1995, il s’est amusé à sauter depuis la fenêtre dans l’énorme tas de neige, à la rue du Soleil, puis à skier au Chapeau Râblé, et il a découvert, incrédule, ce « drôle de sport qui consiste à courir avec des planches qui ne tiennent même pas au talon » : le ski de fond.

 

Devenir, au terme d’un brillant parcours, le voyer-chef de sa ville d’adoption a changé sa vision de l’hiver. « Il y a la neige ludique, sympa, jolie et il y a l’envers du décor. Notre mission, c’est de la dégager. Cela devient presque un fardeau. » Au début de la saison, il y a toute la préparation et il s’agit de ne rien oublier, « de tout mettre en musique », comme il dit. 225 km de routes, 115 de trottoirs, 150 à 200 hommes, beaucoup d’argent. « C’est un travail d’équipe. J’adore cela, je me sens utile, je me sens à ma place. Nos gars méritent une fière chandelle, ils se donnent à 200 %, et leur boulot n’est pas simple. C’est dur physiquement, de travailler la nuit, dans le froid, la neige, la pluie givrante. Ils se plaignent rarement. Sans eux, je ne ferais pas grand-chose. »

 

Début mars, les déchets refont surface, le neige se grisouille, les travailleurs sont fatigués, tout le monde en a marre. Le moment pour Bekir Omerovic de faire le bilan. « Ce qui me tient à coeur, c’est d’être proche de la population. Je traite personnellement toutes les réclamations. C’est mon rôle d’aller au front. J’en parle à mes gars. Essayons de ne pas répéter les mêmes erreurs. »

 

Mais globalement, les gens d’ici sont plutôt satisfaits. « Je tiens mes statistiques. On a droit grosso modo à une plainte pour chaque centimètre de neige qui tombe. Cette année, on en est à 142 centimètres de neige pour 127 lettres de mécontentement ou de demandes spéciales. Le but de ce suivi, c’est de s’améliorer et de trouver les meilleures stratégies. »

 

Ses projets d’avenir ? Mieux déneiger les zones piétonnes, être plus écologique en matière de véhicules, de salage des routes et de désherbage. « C’est une obligation morale et professionnelle. J’ai déjà banni les pesticides, limité l’épandage de gravier et je cherche un produit encore plus vert que le StopGlissBio. Nous sommes tous concernés. Si chacun de nous fait un petit effort, on aura une belle ville, plus soucieuse de l’environnement, plus agréable. En travaillant main dans la main, on y arrivera ! »

 

 

« Je croyais que la neige empêcherait les bombes d’exploser… »

« A l’école, on lisait des histoires de partisans. On idéalisait Tito, dernier rempart face au nazisme. La guerre était plus qu’une aventure : une fierté.

 

Mais quand elle est arrivée, ce tableau chimérique s’est noirci. La guerre était sale, dégueulasse, les proches mouraient, la maison s’envolait, l’école et les magasins fermaient, on avait faim. J’avais 11 ans, je ne captais pas tous les enjeux. Puis les premières bombes ont commencé à pleuvoir autour de nous. Beaucoup de vacarme, beaucoup de peur. Là, j’ai pris une énorme claque.

 

Cependant, j’étais convaincu que lorsque l’hiver arriverait, la neige engloutirait les bombes et nous sauverait. Lorsque j’ai vu la première bombe exploser dans la neige, tout près de chez nous, mon espoir de gamin a été déçu.

 

Le héros, ce n’est pas moi, c’est ma mère. Grâce à sa débrouillardise, et aux quelques économies que mon père lui avait laissées avant d’être tué, elle a réussi à nous emmener en Suisse, mon frère et moi. Quand on est arrivés au centre des Verrières, j’ai enfin pu manger à ma faim. Une assiette, deux assiettes, trois, d’accord ? Je n’en revenais pas. Mais je me disais : peut-être que demain, ils changeront d’avis et ne me nourriront pas. Alors j’entassais des provisions sous mon lit. Il a fallu un moment pour que je comprenne que j’étais en Suisse, et en sécurité.

 

Cela m’a marqué. Au début du Covid, j’ai rempli trois caddies de toutes sortes de conserves, raviolis, riz etc. Mes copains et ma femme ont bien rigolé. Le confinement m’a rappelé la guerre. Personne dans les rues, même l’odeur de l’air était différente. Tout le monde se sentait oppressé, personne ne pouvait prédire l’avenir… Encore maintenant, je suis hyper déçu que la neige n’arrête pas les bombes. Et là, je pense tout particulièrement aux enfants d’Ukraine. »

 

Des flocons et des chiffres

  • 150 à 200 employés, dont 40-50 pour les alertes 40*
  • 60 véhicules pour déneiger:
  • 225 km de routes
  • 115 km de trottoirs
  • 15 parkings d’échange
  • 10 places publiques
  • 60 escaliers et passages piétons
  • 1500 tonnes de sel
  • 270 m3 de gravier
  • 300 m3 de StopGlissBio
  • 8900 abonnés à l’alerte-neige par SMS
  • 24 alertes-neige pour cet hivers (en cours)
  • 100’000 francs par alerte 40*

 * l’alerte 40 est déclenchée dès 10 cm de chutes de neige

(Source: SEP, Ville de La Chaux-de-Fonds)

Des flocons et des chiffres

  • 150 à 200 employés, dont 40-50 pour les alertes 40*
  • 60 véhicules pour déneiger:
  • 225 km de routes
  • 115 km de trottoirs
  • 15 parkings d’échange
  • 10 places publiques
  • 60 escaliers et passages piétons
  • 1500 tonnes de sel
  • 270 m3 de gravier
  • 300 m3 de StopGlissBio
  • 8900 abonnés à l’alerte-neige par SMS
  • 24 alertes-neige pour cet hivers (en cours)
  • 100’000 francs par alerte 40*

 * l’alerte 40 est déclenchée dès 10 cm de chutes de neige

(Source: SEP, Ville de La Chaux-de-Fonds)

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