Lucien et Alain Tissot ont voué à leur ville un amour à la fois profond et critique. Un livre de Robert Nussbaum raconte leur vie et leur combat.
Quelque chose à déclarer ? « Oui, une demoiselle et une cruche. » C’est bien connu, les gabelous goûtent peu la plaisanterie. Lucien en profitait pour dérouter le douanier de Biaufond avec d’anciens mots pour passer une lampe à pétrole et un pot. Ce n’est qu’une des anecdotes qui émaillent le bouquin de Robert Nussbaum, dès ce samedi en librairie. Lucien Tissot ne le lira pas : il nous a quittés en janvier 2021.
Des histoires, Alain en regorge tout autant. En 2011, il tenait son auditoire en haleine en racontant la contrebande séculaire autour du Doubs. Et de rappeler la panique des habitants de La Chaux-de-Fonds, avertis de l’arrivée du célèbre brigand Mandrin et de sa bande de pillards, en 1754. Mais la ville n’était pas leur objectif : ils ne firent qu’y dormir!
Lucien, avocat spécialisé dans la propriété intellectuelle, et Alain, professeur d’anglais au Gymnase de la ville, avaient de nombreux points communs. Leur père André (qui fut directeur du Gymnase) les avait sensibilisés à la défense des témoins architecturaux du passé. Ils ont perpétué en faveur des anciennes fermes le combat de l’Aspam (Association pour la sauvegarde du patrimoine des Montagnes neuchâteloises), fondée par André en 1963.
Le cœur à gauche, certes, mais doctrinaires ni l’un ni l’autre. « Les patrons ne sont pas forcément tous des salauds», dira Lucien, qui en a beaucoup côtoyé. Alain, lui, a siégé 14 ans au Conseil général dans les rangs socialistes. Membre de la commission d’urbanisme, il se voulait avant tout pragmatique : extension du Musée des beaux-arts, Espacité, Théâtre…
Après de beaux succès et quelques revers, l’avenir n’est pas bouché, disent-ils : la vague verte, chez les jeunes, crée l’espoir.